Jonás Trueba • Réalisateur de Septembre sans attendre
“Le principe du recyclage peut aussi être appliqué à l'amour et au couple”
par Alfonso Rivera
- Le réalisateur espagnol nous révèle quelques clés d'interprétation de son nouveau long-métrage, couronné par le Label Europa Cinemas de la dernière Quinzaine des Cinéastes

Jonás Trueba a gagné le Label Europa Cinemas du meilleur film européen de la Quinzaine des Cinéastes de Cannes avec Septembre sans attendre [+lire aussi :
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interview : Jonás Trueba
fiche film], qu’il a écrit en collaboration avec ses deux acteurs principaux : Itsaso Arana (réalisatrice de Les Filles vont bien [+lire aussi :
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fiche film], qui est passé l’année dernière à Karlovy Vary) et Vito Sanz (un habitué, de même qu'Arana, des films de l’auteur de Eva en août [+lire aussi :
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fiche film] ou encore Venez voir [+lire aussi :
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interview : Jonás Trueba
fiche film]). Le film sort en France ce 28 août, avec Arizona, et en Espagne vendredi 30, avec Elastica.
Cineuropa : Vous avez de nouveau choisi Madrid comme décor.
Jonás Trueba : J'aime l’idée selon laquelle le cinéma sait bien travailler la répétition. La vie et aussi une répétition, la majeure partie du temps. J’ai toujours aimé l’idée de la routine, de retourner dans les mêmes endroits et de fréquenter les mêmes personnes. C’est ça la vie.
Dans Eva en août, le personnage que jouait Itsaso Arana voyait sa ville avec un regard neuf, de visiteuse ou de touriste, mais dans Septembre sans attendre, il y a le désir de rompre avec le passé pour commencer quelque chose de nouveau, libre de toute nostalgie.
Septembre sans attendre a à voir avec l’idée de la répétition, mais pas de n’importe quelle manière. Continuer de vivre avec les mêmes personnes suppose aussi une espèce de pacte, une fidélité qui n’est pas automatique, mais qui doit se renouveler régulièrement. Le film parle aussi de ça : on y voit un couple qui veut se séparer, pour s'envisager séparément. La même chose vaut pour la ville : il s'agit de la regarder d'une autre manière, en essayant de former un nouveau contrat avec elle. La répétition n’est pas quelque chose de mécanique : elle suppose au contraire qu'on se remette d’accord de nouveau presque à chaque fois, chaque jour. On peut appliquer cela à l’amour, aux relations d’amitié, à son attitude par rapport à sa ville ou son travail, au cinéma, en s'obligeant chaque jour à reformuler ses liens, à se réinventer.
Quoiqu'il en soit, la prémisse de Septembre sans attendre, assez particulière, rompt avec les schémas habituels.
C’est une idée folle qui vient bousculer une certaine mécanique dont on suppose qu'elle correspond à ce que doit être une séparation, une rupture et un drame. J’aime ce paradoxe, l'idée de fêter quelque chose qui a priori est triste car au fond, si on y réfléchit, elle a sa part de sens et véhicule un sentiment beaucoup plus profond de ce qui à première vue peut sembler une simple boutade, une fulgurance. En fait, il y a quelque chose derrière tout cela : un idéal, un désir de ne pas prendre les choses trop au sérieux, ou de les secouer.
L’amour peut être une habitude, un style de vie. Faut-il aussi y travailler ?
On a ici une idée de l’amour et du couple comme quelque chose qui se renouvelle tous les jours, sans quoi ils sont condamnés à mourir. J’aime revendiquer une idée du couple qui est conventionnelle, voire vieillotte, mais qui peut encore se défendre et qui est quasi admirable. Je pense à ces couples qui durent non pas par inertie, mais parce qu’ils opèrent cette reformulation et cette réinvention constante, ces couples qui arrivent à durer parce qu'ils ont cette exigence. C'est assez admirable, surtout à notre époque, quand il est si difficile que quelque chose dure. L’idée du recyclage aussi peut être appliquée à l’amour et au couple : il a quelque chose d'organique là-dedans.
Pourquoi les personnages ont-ils des noms presque identiques (Ale et Alex) ? Parce qu'ils en sont venus à se refléter par mimétisme, après des années de vie commune ?
Peut être, il y a un peu de ça. Ça nous est venu instinctivement, de les nommer ainsi, comme s'ils étaient une seule et même chose, ou une variation l’un de l’autre. Cet effet mimétique existe aussi quand on travaille sur la même chose et qu’on partage tout. D'un côté, c'est bien, mais de l'autre, c'est un peu confus : tout se mélange tellement qu'on s'absorbe l'un dans l’autre, ou qu'on dit ce que l’autre a pensé, faisant passer ses idées pour siennes. C’est à la fois beau et problématique.
Qu'avez-vous ressenti en recevant ce prix à Cannes ?
C'était une étape naturelle après un parcours de plusieurs années, à d'autres festivals et en France en particulier, où une petite société de distribution a toujours sorti mes films dans les salles et fait en sorte que notre travail soit connu dans le pays.
(Traduit de l'espagnol)
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