email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

VENISE 2024 Semaine internationale de la critique

Bernhard Wenger • Réalisateur de Peacock

“Je trouve les personnages principaux passifs excitants, car on en voit rarement au cinéma”

par 

- VENISE 2024 : Dans son premier long-métrage, le réalisateur autrichien s'amuse du besoin excessif qu'engendre la société de se composer des personnalités parfaites, quoique totalement artificielles

Bernhard Wenger • Réalisateur de Peacock
(© Fabrizio de Gennaro/Cineuropa)

Si on se fait passer pour tout un tas de personnes différentes tout le temps, on court le risque de perdre sa propre identité en chemin. Mais que dire si de toutes façons, la société se fiche un peu de qui vous êtes vraiment ? Dans le premier long-métrage de Bernhard Wenger, Peacock [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Bernhard Wenger
fiche film
]
, projeté à la Semaine internationale de la critique de Venise, un homme doit se jeter dans l'inconnu pour découvrir en quoi il se démarque vraiment lui-même.

Cineuropa : Comment avez-vous eu l’idée du personnage de Matthias?
Bernhard Wenger :
Ça remonte à 2014, quand j'ai eu vent des agences pour "louer un ami" qui existe au Japon depuis deux décennies. On peut louer des amis, des parents, tout ce qui vous manque dans la vie. Je suis allé au Japon et j’ai rencontré leurs employés, et non seulement j’en ai appris beaucoup sur la raison d'être de ces agences et sur la manière dont les employés se préparent pour revêtir leurs rôles, mais j’ai aussi rencontré une personne qui m’a dit qu'à cause de ce métier singulier, elle ne sait plus vraiment qui elle est. J’ai repris ce dilemme pour mon personnage principal et construit l'histoire autour.

Ce n’est pas la première fois que vous créez un personnage masculin passif qui se retrouve dans des situations de plus en plus bizarres. Qu’est-ce qui vous fascine dans ce dispositif ?
Je trouve les personnages principaux passifs excitants. On les voit rarement dans les films, et ce n’est pas évident de suivre un personnage de ce type sur 90 minutes. Pendant le casting, il est devenu évident qu'il nous fallait un acteur que les gens auraient plaisir à regarder. J’ai toujours adoré regarder Albrecht Schuch. Il tend à jouer des personnages très actifs, héroïques. C'est l'opposé diamétral.

C'est un besoin humain élémentaire, que d'être apprécié. Nous avons fait de cette notion quelque chose de quantifiable, avec les réseaux sociaux. Est-ce vraiment la faute de Matthias, ou est-il simplement une victime des circonstances de son existence ?
Il s'est clairement adapté à notre société, où nous devons pouvoir fonctionner tout le temps, où nous devons être parfaits, et où les gens se montrent toujours sous leur meilleur jour. C'est ça qui est à la base des réseaux sociaux, et les agences "louez un ami" sont un prolongement de cela dans la vraie vie.

Vous racontez votre histoire à travers une satire très pince-sans-rire. Est-ce plus difficile à écrire qu'une comédie fondée sur les mots ?
Le film aborde des questions sociales, et l’humour vient de ces situations irritantes. Dans les comédies typiques qu'on voit aujourd’hui, l'humour vient principalement des dialogues. Je trouve que c’est dommage. C’est pour cela que j’aime bien travailler avec la mise en scène, les décors, les costumes et le montage, pour que l'humour naisse aussi de la partie visuelle.

Votre film a beau se passer en Autriche, quand on regarde vos personnages, vous semblez penser que ce sont les Scandinaves qui sont des figures tragiques.
Dans ma jeunesse, j’ai été influencé par l'humour pince-sans-rire des films scandinaves et l'humour noir anglais. J’ai développé ce style en mélangeant tout ça avec le sens de la tragédie que nous avons en Autriche. L’humour satirique est rare dans les films autrichiens, ces temps-ci. Je pense que c’est très dommage, et que c’est plaisant de le remettre au goût du jour.

Si on cherche sur Google ce que symbolise le paon qu'évoque le titre du film, on trouve des attributs comme la beauté, la vanité, la renaissance, la vigilance et la divinité. Que représente le paon pour vous ?
Le paon est un bel animal, magnifique au premier abord. Il fait valoir son plumage et se pavane, mais il n’y a pas grand chose derrière cette façade. Il n’aime pas voler, n’a pas un beau cri. Il n’a beaucoup d'atouts au-delà de ça. Ça vaut aussi pour Matthias.

Vous êtes dur avec votre personnage principal.
Ce n’est pas un film négatif ou amer, et c'est exactement comme ça que je traite mon personnage principal : avec beaucoup d’amour.

(Traduit de l'anglais)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Lire aussi

Privacy Policy