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VENISE 2024 Semaine internationale de la critique

Muhammed Hamdy • Réalisateur de Perfumed with Mint

“Le film vient d'une colère, ou d'une amertume”

par 

- VENISE 2024 : Dans son premier long-métrage, le réalisateur égyptien force un groupe d'hommes à regarder en face les ombres de leur passé

Muhammed Hamdy • Réalisateur de Perfumed with Mint
(© Fabrizio de Gennaro/Cineuropa)

Fuir continuellement sa souffrance et sa colère ne fonctionne tout simplement pas. Dans Perfumed with Mint [+lire aussi :
critique
interview : Muhammed Hamdy
fiche film
]
, le premier long-métrage artistiquement stylisé et extrêmement philosophique de Muhammed Hamdy, ce dernier évoque le coût de la souffrance émotionnelle et physique, les souvenirs qui ne cessent de remonter à la surface et la nécessité de trouver une manière de coexister avec eux. Nous avons interrogé le réalisateur sur son film, qui a fait sa première à la Semaine internationale de la critique de Venise.

Cineuropa : Cela fait un moment que vous travaillez comme chef opérateur, mais c’est votre premier long-métrage comme réalisateur ? Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous lancer dans cette entreprise ?
Muhammed Hamdy :
J’ai toujours voulu réaliser un film. j’avais besoin de faire un film. J’avais besoin de faire quelque chose dont j'aurais hâte. Ça ne revient pas juste à prendre un film en main, mais à prendre ma vie en main d’une manière qui fait que je la vis différemment. Ça m'amène à aller dans des endroits où je ne vais pas habituellement. Je reste plus proche de certains types de gens fens, je m'intéresse davantage à leurs histoires.

Les personnages parlent de leur souffrance intérieure, mais vous montrez aussi l’effet qu'elle a sur le corps.
Il y a beaucoup d'angoisse réprimée, et elle affecte tout. Elle fait que les gens arrêtent de parler, or le silence est éprouvant, pour tout être humain. C’est pour cela que la plante doit parler, parce que les humains ne veulent pas parler ou qu'ils ont peur de le faire.

Que signifie pour vous cette menthe qui ne cesse de surgir ça et là, comme les souvenirs ?
Après les événements politiques de 2014 en Égypte, je me suis installé dans un village au sud du pays. Quelqu’un du village, une personne très respectée, venait de mourir et il y avait de grandes funérailles. Ce qui était fascinant, c’est qu'à chaque fois que quelqu’un mentionnait son nom, cette personne ajoutait "parfumé à la menthe". J'ai trouvé que c'était la manière la plus belle qui soit de se rappeler quelqu’un, car ils associaient son souvenir à une senteur.

Ces personnages souffrent chacun à sa manière et pour différentes raisons, de celui qu'une femme a quitté à celui qui a pris plusieurs balles. Vous ne faites pas de différence selon la gravité.
Chaque type de souffrance mérite le respect, quelle que soit son origine. Ce n’est pas comme un critique social, par lequel on différencie les gens les uns des autres.

Mais les gens tendent à le faire.
Hélas, oui. La souffrance est quelque chose qu’on devrait essayer de comprendre, et il ne faut pas supposer que la souffrance d’une personne en particulier est plus importante que celle d'une autre.

Quelles consignes avez-vous donné à vos acteurs ?
Ce sont des non professionnels qui racontent leur propre histoire. Je leur ai dit qu’il ne fallait pas qu'ils prennent leur rôle d'acteurs trop au sérieux.

Ce film est très philosophique. Vous verriez-vous réaliser un récit plus classique ?
Ce film vient d'une colère ou d’un sentiment d’amertume. Quand je ressens de la colère par rapport à quelque chose, je m'asseois et j'essaie de décortiquer mon émotion. Les pensées et idées qui me viennent me disent quelque chose : elles me disent comment il faut réagir.

Est-ce que ça pourrait parler de la situation politique en Égypte ?
Pas seulement en Égypte. Je vis à 5h en voiture de Gaza. Le tournage a commencé sept jours après le 7 octobre. Le plus compliqué dans ce tournage, c'est qu'entre les prises de vue, nous n’avions pas le temps de les vérifier : nous essayions de voir combien de personnes étaient mortes dans l’intervalle. C’est très dur. C’est très dur d’être ici. Le monde continue de tourner, je fais un film et je vais à des festivals, et pendant ce temps, des gens meurent. Il faut trouver une manière de gérer ça.

(Traduit de l'anglais)

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