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VENISE 2024 Compétition

Dea Kulumbegashvili • Réalisatrice d'April

“Souffrir, c'est vivre”

par 

- VENISE 2024 : Après un long hiver, le printemps finit toujours par arriver, mais dans ce film géorgien, ce mois d'avril en particulier est froid et sombre

Dea Kulumbegashvili • Réalisatrice d'April
(© Giorgio Zucchiatti/La Biennale di Venezia/Foto ASAC)

Après Au commencement [+lire aussi :
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, la Géorgienne Dea Kulumbegashvili est en compétition à Venise avec April [+lire aussi :
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. Son héroïne, Nina (Ia Sukhitashvili), gynécologue obstétricienne, est accusée de négligence médecin, car un nouveau-né vient de mourir dans son service et le père, hors de lui, veut savoir pourquoi. Il veut aussi savoir pourquoi c'est Nina qui a été chargée de mettre son enfant au monde. Après tout, tout le monde dans le village sait qu’elle pratique des avortements clandestins.

Cineuropa : Après votre premier long, Au commencement, votre intérêt semble de nouveau se porter sur la souffrance.
Dea Kulumbegashvili : À quel autre sujet devrais-je dédier des films ? Quelqu’un a déjà fait Joker.

Joker aussi parle de souffrance.
Peut-être parce que c’est un sujet extrêmement universel. Souffrir, c’est vivre, d’une certaine manière. Je ne sais pas si je dirais que la souffrance est un des thèmes qui m'intéressent le plus, mais quand on examine vraiment les personnages, dans n'importe quelle histoire, tout le monde souffre. On le remarque très vite.

Elle se résigne à sa douleur. Nina croit en quelque chose, si fort qu’elle continue de le faire quand il n’y a aucune gloire à cela. Quelqu’un lui dit ouvertement : "Personne ne va jamais vous remercier". Pourquoi pensez-vous que certaines personnes le font malgré tout ?
Quand on se met vraiment au service de sa profession et de sa cause, ça ne peut être fait que de cette manière. Toute sorte de gratification externe, y compris matérielle, semblerait futile. Elle est juste extrêmement engagée dans ce qu’elle fait. Je me demandais : est-elle vraiment une héroïne ? Mais qu’est-ce qu’un héros ? Je trouvais cette question extrêmement intéressante. Quand on est petit, ou à l’école, tout le monde vous parle de "parcours de héros", mais quid de la vie normale, quotidienne ? Je suppose que je préfère l’héroïsme discret. Quant à son ami, c'est l’inverse : il essaie juste de couvrir sa propre lâcheté. Nous avons souvent tendance à faire ça, nous les humains. Au moins, il reconnaît qu’il n'a pas assuré. C’est important.

April est assez réaliste, jusqu’à ce que vous vous introduisiez une créature qui ne semble pas appartenir au même univers. Sans savoir pourquoi, je me sens proche d'elle, même si elle reste sans visage.
Elle n’a pas de visage ni d’expression faciale. Au début, nous voulions la créer avec l'actrice principale, mais c’était impossible : les acteurs sont tellement habitués à s’exprimer que c'était dur pour elle ! Cette créature a toutefois des émotions, et je suis émue quand je la regarde, précisément parce qu’elle est coincée dans ce corps et n'a pas la capacité de parler. Ça me fait ressentir énormément d’empathie pour elle.

Au début, pendant le développement, la créature a fait l’objet de beaucoup de débats. Chaque producteur avait une vision complètement différente de ce qu'elle était vraiment, alors j'ai compris que c’était un problème. La créature n'était pas assez spécifique, de sorte que nous avons continué de travailler dessus. Cela dit, je me fie à mon instinct, surtout quand je fais quelque chose qui n’est pas très classique. Il faut se fier à ce qu'on ressent quand on tourne.

On tend à se sentir protecteur par rapport à elle, et à l’héroïne. Comme Nina fait des choix risqués, on a l’impression de regarder un film d’horreur, le genre où on soupçonne dès le début que quelque chose de terrible va probablement se produire.
Elle me fait pitié, aussi, et je ne sais pas si c’est une bonne chose, mais je voulais que le public ressente cela également, qu'il compatisse avec elle, avec cette empathie qui la submerge. Je dois dire que je ne crois pas aux genres cinématographiques. Il suffit de raconter l'histoire qu'on veut raconter, au lieu de suivre toutes ces règles et de se retrouver coincé en essayant de les respecter trop fidèlement. Il y a quelque chose de dérangeant dans les rencontres nocturnes de Nina avec des inconnus, mais que dire de Tinder, alors ? Ça fait tellement peur ! Je n'arrive pas à comprendre comment on peut utiliser cette appli.

(Traduit de l'anglais)

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