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VENISE 2024 Venice Production Bridge

Philippe Reynaert • Consultant senior, Xanadu

“Aujourd'hui, la responsabilité des autorités publiques est d'assurer l'indépendance non pas des producteurs, mais des productions”

par 

- VENISE 2024 : L'expert décrypte la table ronde "Réflexion sur les objectifs futurs des politiques sur le cinéma et l'audiovisuel” du Venice Production Bridge

Philippe Reynaert • Consultant senior, Xanadu

Cineuropa a interviewé Philippe Reynaert, consultant senior pour la société bruxelloise Xanadu, au terme de la Mostra de Venise (28 août-7 septembre). Nous lui avons posé quelques questions sur la table ronde intitulée "Pourquoi font-ils comme ça ? Est-ce qu'ils feront comme ça en 2030 ? Réflexion sur les objectifs futurs des politiques sur le cinéma et l'audiovisuel" qui s'est tenue à l'Espace Rencontres de l'Hôtel Excelsior du Lido le 1er septembre, dans le cadre du Venice Production Bridge (29 août-3 septembre). La discussion a couvert plusieurs sujets, notamment les financements publics, l'influence des services de streaming et les difficultés inhérentes au fait de devoir trouver un juste équilibre entre desseins culturels et objectifs économiques.

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Cineuropa : Vous avez animé au Venice Production Bridge une conférence qui a débuté par une allocution de Tomas Eskilsson de Film i Väst. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ses principaux points ?
Philippe Reynaert :
J’ai la chance d’être associé depuis plus de 4 ans maintenant à la rédaction d’une étude monumentale et sans précédent, initiée par Tomas sous le titre générique de “Public Film Funds at a Crossroads”. Plus de 1.000 interviews ont été réalisés partout en Europe pour jeter les bases de cette étude alors que l’on sortait de la crise sanitaire qui avait accéléré de manière spectaculaire le développement des plateformes, devenues en quelques mois, les nouveaux maîtres du jeu. Une deuxième vague de l’étude a permis d’enregistrer l’évolution des nouvelles problématiques. Et puis nous sommes entrés dans la troisième et dernière vague de notre démarche, la plus difficile, celle qui consiste à tenter de faire émerger des solutions d’avenir. Les résultats de cette troisième étude menée cette fois sur base d’entretiens approfondis avec des responsables de fonds publics, seront présentés en février à Berlin. Mais, avec Tomas, nous avons voulu profiter de ce magnifique rendez-vous des VPB pour tester quelques-unes de nos premières conclusions sur un panel de producteurs.

Quels ont été les principaux points de vue partagés par les panélistes lors de la discussion qui a suivi ?
Nous avions pris pour option de souligner les différences Nord/Sud en Europe dans la composition même du panel en opposant la danoise Louise Vesth [Zentropa] et la lithuanienne Marija Razguté [M-Films] aux italiens Carlo Cresto Dina [Tempesta] et Marta Donzelli [Vivo Film]. Mais finalement, on s’est aperçu que les grandes différences que l’on peut déceler au niveau des systèmes publics de financement, globalement divisés entre un modèle scandinave centré sur les spectateurs/citoyens et un modèle “à la française” motivé par le développement de l’industrie, ne se reflétaient pas forcément quand on prend la température des maisons de productions ! Une certaine unanimité s’est par exemple faite parmi les panelistes pour dire que si la compétitivité est bien sûr une donnée essentielle à leur survie, personne n’envisage l’avenir en renonçant à la diversité des productions. Tous étaient effrayés à l’idée du formatage tant des contenus que du langage que semble induire la toute-puissance actuelle des plateformes...

Mais la neutralité des plateformes est-elle un objectif réalisable ?
C’est en tout cas aux yeux de tous un objectif important mais notre panel s’est montré très réaliste à ce sujet. Ils sont conscients que tenter de s’opposer à la SVOD est déjà un combat du passé et qu’il faut au contraire surfer sur la dynamique nouvelle que peuvent induire les obligations d’investissement décrétées par l’Europe pour ces nouveaux joueurs. Du coup ils envoient un message clair aux autorités nationales et régionales : il faut arrêter de harceler les producteurs pour savoir s’ils sont “indépendants” ou non. La globalisation du marché est là. Ce qui est du devoir aujourd’hui des pouvoirs publics, c’est de garantir l’indépendance non plus des producteurs mais bien des productions ! En clair, le premier critère d’attribution d’une aide devrait être : “est-ce que ce projet peut, oui ou non, être financé par une plateforme ?”. Si oui, ne dépensons pas d’argent public. Si non, aidons massivement le développement de cette œuvre qui continuera à garantir la diversité culturelle.

Et qu’a-t-on dit sur la dualité entre financement sélectif et automatique ?
Ce panel spécifique penchait sans hésitation pour le maintien du financement sélectif mais je remarque que de plus en plus de producteurs réclament (ou obtiennent comme en Allemagne) le passage à l’automatique qui leur donne beaucoup plus de visibilité sur la stratégie de développement de leur entreprise. Personnellement, et c’est ce qui ressortira d’ailleurs de la troisième vague de notre étude, je crois qu’il n’y a pas une réponse unique à toutes ces questions qui divisent. Il faut utiliser à bon escient le meilleur de ce que peuvent offrir les différents systèmes.

Mais justement il semble qu’il devient de plus en plus difficile d’équilibrer les objectifs culturels et économiques en termes de politiques, ce qui se reflète peut-être aussi dans la réception des œuvres finales par le public, qui apparaît de plus en plus fragmenté. Êtes-vous d’accord ?
C’est le grand enseignement de toute notre démarche ! On ne pourra plus à l’avenir considérer le cinéma et la télévision comme un tout global et cohérent. Il faut se faire à l’idée qu’un segment de ce que nous appelions jusque-là le “7ème Art” est devenu partie intégrante de l’industrie du loisir. Tout ce qui relève de l’entertainment audiovisuel tend à se rapprocher des modèles (et du langage !) du gaming et doit viser l’auto-financement. En revanche, les fonds publics ont toujours une énorme carte à jouer pour maintenir en vie un cinéma de contenu qui fédère un public certes moins large mais toujours désireux de s’ouvrir l’esprit sur les réalités du monde transcendées par le talent de cinéastes innovants.

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(Traduit de l'anglais)

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