SAN SEBASTIAN 2024 New Directors
Piet Baumgartner • Réalisateur de Bagger Drama
“Les catégories, je m’en cogne : au bout du compte, chaque idée appelle un format”
par Cristóbal Soage
- L’artiste visuel et réalisateur suisse nous parle de son premier long-métrage de fiction, qu’il décrit comme son plus personnel à ce jour

Piet Baumgartner est un artiste visuel et réalisateur suisse qui a déjà à son actif plusieurs courts-métrages et un long-métrage documentaire. Son nouveau travail, Bagger Drama [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Piet Baumgartner
fiche film], qui est son premier long-métrage de fiction, vient de lui valoir le Prix New Directors au 72e Festival de San Sebastian (lire l'article).
Cineuropa : Ce projet vous a pris très longtemps. D’où en est venue l'idée et a-t-elle beaucoup changé entre le moment où elle est née et le film tel qu'il est à présent ?
Piet Baumgartner : Bagger Drama est mon film le plus personnel à ce jour. Il raconte en partie l’histoire de ma famille. Je suis à la fois abasourdi et fasciné par la réticence qu'ont les membres d'une même famille de parler entre eux de ce qui les perturbe le plus. D’où je viens, les problèmes ne sont pas discutés, on y fait face seul. J’ai mis longtemps à trouver un élément visuel et n'ai ajouté les mouvements des bras de la pelleteuse qu'après.
C’est votre premier film de fiction, mais vous avez déjà réalisé un documentaire. Le travail est-il très différent, entre ces deux genres ?
Je fais aussi du théâtre et de l'art visuel. Les catégories, je m’en cogne : au bout du compte, chaque idée appelle un format. Je peux travailler plus vite au théâtre, parce que c’est moins cher que le cinéma. Pour mon documentaire The Driven Ones [+lire aussi :
critique
fiche film], sur la future élite du milieu des affaires, il était clair que je devais m’immerger moi-même dans leur univers. Ce que je veux éviter à tout prix, c'est de me répéter, car ce serait ennuyeux.
La manière dont vous utilisez, dans le film, les excavatrices, donc des objets qui sont résolument inhumains et dépourvus de sentiments, pour transmettre les émotions les plus profondes, est tout à fait fascinante. Comment cette idée s'est-elle présentée à vous et comment c'était, de travailler avec ces énormes machines ?
Travailler avec les pelleteuses a été très amusant. Une des origines de Bagger Drama est un clip musical que j’ai réalisé en 2015 avec le musicien Rio Wolta, “Through My Street” [cliquer ici pour visionner]. Dans le clip, des excavatrices dansaient tout un ballet dans une carrière de cailloux. La vidéo a voyagé partout dans le monde et remporté plusieurs prix. Donc nous avions déjà un peu d'expérience en la matière.
Les personnages du film vivent un deuil tragique, mais le film ne fait pas tragique du tout. Il contient des émotions dures et profondes, mais aussi de la dignité et de l’espoir. Que vouliez-vous transmettre sur ces personnages et ce qu'ils traversent ?
Je crois qu’il y a toujours beaucoup d’humour qui rôde dans le plus terrible des drames. Quand on se prend très sérieusement, on est drôle aussi. Ce qui m'intéressait, c'était la question de ce qui se passe dans cellule familiale quand tout le monde est adulte. Il y a eu un moment, dans ma propre vie, où je me suis rendu compte que mes parents étaient juste des gens ordinaires, avec des défauts.
Les trois comédiens centraux sont excellents, de même que ceux qui incarnent les personnages secondaires. Comment avez-vous trouvé les bons acteurs et comment avez-vous travaillé avec eux pour composer des portraits humains aussi convaincants et sincères ?
Je m’incline devant mes acteurs ! Ce qui comptait le plus pour moi, au moment du casting, était que j'aie envie de les regarder pendant très longtemps, même s'ils ne disaient ou ne faisaient rien, or c’est le cas avec Bettina Stucky, Phil Hayes et Vincent Furrer. Bettina est une figure établie dans le monde du théâtre, et Phil est artiste de scène et musicien. Ils sont complètement différents dans leur approche. Collaborer avec eux a été un vrai plaisir.
J’ai adoré le fait que le film montre le coming out d’un des personnages sans aucune dramatisation, et que cela fasse l'effet d’une source de joie en pleine tragédie. Cherchiez-vous à véhiculer un message précis à travers cet élément ?
Merci pour cette observation, je suis ravi qu'on le remarque. Comment montre-t-on un coming out, aujourd’hui ? Quand je suis moi-même sorti du placard, il y a 24 ans, le monde était différent. Aujourd’hui, les gens n'ont plus de réaction de rejet, c’est beaucoup plus répandu.
Le film a été bien reçu à San Sebastian. Quel parcours espérez-vous pour ce film et quelles seront les prochaines étapes de votre carrière ?
Je ne peux pas répondre à ça. Je n’aurais jamais imaginé gagner un prix à San Sabastian. L’invitation à elle seule m'a paru une belle reconnaissance. Alors gagner, waouh ! Ce qui est clair, c’est que je veux continuer à réaliser mes projets. J’ai eu de mauvaises expériences avec des travaux de commande. L'art requiert énormément d’énergie. Je veux essayer de gérer au mieux mon énergie . Souhaitez-moi bonne chance.
(Traduit de l'anglais)
Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.