Antoine Besse • Réalisateur de Ollie
"Les films à mi-chemin entre cinéma d’auteur et cinéma populaire ne sont pas assez aidés. C’est un vrai problème"
par Katrin Büchler
- Le réalisateur français nous parle de son premier long-métrage, sur le monde du skateboard, inspiré de l'histoire tragique d'un de ses amis

Le réalisateur français nous parle de son premier long-métrage, Ollie [+lire aussi :
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fiche film], qui a fait sa première mondiale au Festival du film francophone d'Angoulême et sa première internationale au Festival international du film francophone de Namur.
Cineuropa : Dix ans se sont écoulés entre votre court-métrage Le Skate moderne et Ollie, qui est votre premier long-métrage. Pourquoi ce retour a-t-il pris tellement de temps ?
Antoine Besse : Au moment où j'ai réalisé ce court-métrage, j’avais 23 ans. J’aspirais à devenir cinéaste, mais je me cherchais encore beaucoup. Le court-métrage ayant fait le buzz sur internet, ça a ouvert la porte à une carrière dans la publicité. J’ai préféré gagner ma vie dans la pub, pour pouvoir voyager dans un camion aménagé, rencontrer des gens, me faire un bagage culturel. Ensuite, j’ai travaillé sur plusieurs séries. C’était une occasion de me former.
Il y a quelques années, le skateur iconique de la bande du Skate moderne, Béranger, est décédé d’une vie d’excès. Et là, je me suis dit : il y a quelque chose à raconter. On ne parle jamais des skateurs de la campagne, de ces gens oubliés… J’avais envie d’en parler. Il était là, le film.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées en faisant ce long-métrage ?
J’ai développé le scénario en très peu de temps avec le producteur-auteur Aurélien Molas. Il m’a beaucoup aidé grâce à sa formation de scénariste. Le montage financier s’est fait très vite. Les vrais problèmes sont venus après. Ollie n’est ni un film d’auteur radical ni un film populaire. Bien qu’il s'adresse à tout le monde, ce genre de film est peu mis en avant. Notre premier distributeur a quitté le projet. D’autres refusaient le film, parce qu’il ne se positionnait pas clairement. Cette attitude est un vrai problème. Je suis content que nous ayons enfin trouvé un distributeur qui a envie de se battre pour des films comme le nôtre.
Le film s’inspire de la tragique histoire de votre ami Béranger. Comment avez-vous fait le tri entre les éléments autobiographiques à y insérer et ceux à ne pas partager ?
Quand ma famille a déménagé en Dordogne, j’ai moi-même été victime de harcèlement scolaire, comme Pierre. Avec mon père aussi, c'était compliqué. Je me suis trouvé dans le monde du skate. Dans le film, j’ai créé de la distance en changeant le métier de mon père. Quant au personnage de Bertrand, inspiré de Béranger, on l’a travaillé avec l’acteur Théo Christine comme un personnage un peu mythique – par exemple dans la scène ou il disparaît soudainement, un peu comme un magicien. Cela m’a permis d’atténuer un peu le côté morbide de l'ensemble. J’ai décalé les choses, pour que ça ne m’affecte pas trop, mais nous avons tout de même tourné dans l'environnement où j’ai grandi, là où nous avions déjà tourné Le Skate moderne.
Kristen Billon, qui joue le rôle Pierre, avait très peu d'expérience comme acteur. Comment vous avez travaillé avec lui pour qu’il trouve une telle justesse, surtout dans les scènes violentes de harcèlement, sans que ça l'affecte trop en dehors du tournage ?
Dès le début, l'alchimie a été bonne entre Kristen, Théo et moi. Kristen est un gamin intelligent, il a vraiment une musique. Théo, qui est comédien de profession, l'a beaucoup aidé. Ils sont parvenus à créer une complicité très belle. Dès que je disais "Coupez !", ils passaient de bons moments ensemble. C'est ce qui a permis à Kristen de ne pas trop sentir le poids du rôle. Il a vraiment su faire la part des choses, même pour les scènes de harcèlement.
Le fait d’avoir grandi à la campagne a-t-il été une bonne chose ou un frein pour entrer dans le monde du cinéma ?
C’est grâce aux films de Spike Jonze que j’ai découvert le cinéma d’auteur au sens large. J’avais envie de faire ça aussi, sauf que quand on vit dans un trou paumé, il faut aller dans la ville la plus proche pour étudier. Pour moi c’était Bordeaux. À la fac de cinéma, il n’y a pas grand-chose à apprendre, mais j’y ai trouvé des compagnons d’armes. Dans ma classe, il y avait Jonathan Vinel [Eat the Night [+lire aussi :
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De mon côté, je voulais apprendre par moi-même et j’ai appris que quand on vient de la campagne, on n’est pas le bienvenu. Le cinéma est un milieu assez fermé. J’avais l’étiquette de "paysan". C’est aussi un peu pour cette raison que j’ai fait Le Skate moderne. C’était un peu comme un cri de rage. Le monde du cinéma ne voulait pas de nous, alors j’ai mis le film sur internet et ça a pris.
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