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SITGES 2024

Nacho Vigalondo • Réalisateur de Daniela Forever

“Je veux bien confesser que dans ma tête, je me rappelle ma dépression à travers une caméra Betacam”

par 

- Le cinéaste et auteur d'oeuvres de science-fiction contemporaine espagnol nous parle de la dimension personnelle de son nouveau film et de ses choix de mise en scène téméraires

Nacho Vigalondo • Réalisateur de Daniela Forever

Le nouveau film de Nacho Vigalondo, Daniela Forever [+lire aussi :
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, est un travail de science-fiction existentielle sur un homme qui ramène sa petite amie à la vie à travers les rêves lucides. Le film a fait sa première européenne au Festival de Sitges, où Cineuropa a rencontré le scénariste-réalisateur pour l’interroger sur son approche conceptuelle du cinéma de genre et ses choix stylistiques uniques.

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Cineuropa : Vous parcourez beaucoup de genres dans Daniela Forever. Le film est présenté comme une histoire d'amour de science-fiction, mais la manière dont il mélange ses différentes composantes est peu conventionnelle – pas une trace d'eau de rose ici.
Nacho Vigalondo : Dans ce genre de films (les histoires romantiques imprégnées de SF), la partie sentimentale tend à devenir le point de culmination. À mesure que le film avance, il devient de plus en plus humain. Ce qui me plaît, dans ce film, c’est que plus on va, plus l’élément de science-fiction devient hardcore et franchement radical. J’espère que les personnages survivent à ce maelström, mais je suis fier que le film fasse un choix plus engagé.

Quand l'idée de la pilule permettant les rêves lucides entre en scène au début, elle fait très utopique, mais on se rend compte qu'elle peut très vite basculer dans la contre-utopie.
C’est la définition même d’une utopie, comme celle de vivre dans une ville entièrement conçue pour répondre à vos désirs et plaisirs.

Pour vous, où est la ligne entre utopie et dystopie ?
C'est Mad Max qui me vient à l'esprit, par rapport à ça. On peut voir tous ces gens qui vivent dans ce lieu désespéré. Pour un seul type, le méchant, c’est l’utopie parfaite, car il est entouré d’esclaves et d’humains qu’il peut exploiter. Il vit dans un monde tout neuf et tout le monde souffre à cause de lui. Peut-on appeler un lieu utopique quand une seule personne en profite ? Là réside le paradoxe, et j'ai le sentiment que le monde que le personnage de Henry Golding habite chaque nuit est une utopie pour une personne seulement. Donc il y a beaucoup à critiquer.

Qu'est-ce qui vous a amené à choisir de rendre le monde réel avec cette sensibilité analogique très brute, en utilisant de vieux caméscopes ?
Il fallait juste que je trouve une façon très forte et puissante de distinguer les deux mondes. J’avais besoin que les deux parties du film ne se ressemblent en rien. Je voulais aller vraiment loin avec ça, parce que si nous avions été modérés et que les changements avaient été subtils (opérés au moyen de filtres ou de changement de format d'image), le film aurait été confus, surtout vers la fin, quand tout est renversé. J’ai besoin de savoir où nous sommes, à chaque instant. Quand le grand événement de l'intrigue se produit, au milieu du film, toute la force de cette scène vient du fait que nous sommes de l’autre côté. Donc j’avais besoin de quelque chose de radical. Au moment de l'écriture du scénario, la seule chose qui me venait à l’esprit était de filmer en noir et blanc et en couleurs, mais les acheteurs du film disaient : "Il faut être beaucoup plus prestigieux pour pouvoir tourner quelque chose en noir et blanc. Il n’y a pas moyen de faire ça, c’est du suicide. Il faut imaginer quelque chose de différent".

Quant à l'idée de tourner avec ces outils obsolètes, ainsi, c’est comme si les images avaient une nature complètement différente. Le format change, mais pas parce que nous changeons activement de cadrage. J'ai le sentiment que c’était vraiment risqué, parce que je ne pense pas que ça ait été fait avant. Ça faisait peur, mais c’était vraiment grisant. Personnellement, j’ai l’impression qu’il y a quelque chose à l'oeuvre là-dedans que je peux qualifier de magique. On filme des visages nouveaux, des jeunes stars, des gens qui représente le monde de maintenant (je pense à Beatrice [Grannò] et Henry) avec une technologie extrêmement surannée. Nous plaisantions, sur le tournage, en disant qu'on devrait peut-être appeler le Livre Guinness des records parce que dans ce film, on a battu le record de la plus grande distance entre la modernité des comédiens et l’obsolescence de la caméra. Il y a même quelque chose que je pourrais qualifier de pervers dans le fait de regarder une star de Crazy Rich Asian star et une star de The White Lotus à travers le prisme des caméras pourries que j’utilisais à la fin des années 1990. Je veux bien confesser que dans ma tête, je me rappelle ma dépression à travers une caméra Betacam.

J’imagine qu'une grande partie du film vient soit de votre expérience personnelle, soit d'histoires d'autres personnes.
Tous mes films font l'effet d'être des pages de mon journal intime, mais je fais semblant. J’adore faire du cinéma de genre, donc je ne ferai jamais de film autobiographique. Je n’ai pas le sentiment que ma vie mérite un film, pas dans ces termes, mais je veux mettre autant que possible de moi-même dans chaque film, même ceux qui donnent l’impression d’être complètement détachés de notre monde, comme Open Windows [+lire aussi :
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(Traduit de l'anglais)

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