Élise Otzenberger et Cécile de France • Réalisatrice et comédienne de Par amour
"J'ai toujours senti quelque chose de très spirituel et d'un peu mystique dans mon rapport à l'eau"
par Olivia Popp
- La réalisatrice et son actrice principale nous font part de leur attrait pour le sujet du film et nous expliquent pourquoi le relier à leurs propres enfances était si important

Dans le deuxième long-métrage d'Élise Otzenberger, Par amour [+lire aussi :
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fiche film], Sarah (Cécile de France), mère de deux garçons, se met à écouter une part plus primale (ou peut-être plus infantile) d’elle-même. Ce récit cryptique sur la famille, la maternité et l'attention qu'on peut accorder à une version plus jeune de soi-même révèle ses secrets très lentement, tout au long du film, à mesure que Sarah se met à croire à l'appel de la sirène de l’océan. Cineuropa a rencontré Otzenberger et Cécile de France au Festival de Sitges, où le film a fait sa première mondiale, pour les interroger sur ce travail chargé, sur le plan thématique.
Cineuropa : Partons de la prémisse centrale du film, qui s'articule autour de l'eau. Pourquoi cet élément en particulier ? Que signifie-t-il pour vous ?
Élise Otzenberger : C’est un peu une obsession pour moi. L’eau est très importante dans ma vie depuis mon enfance. Je fais beaucoup de plongée. J’ai toujours ressenti quelque chose de très spirituel et d’un peu mystique par rapport à cette connexion que j'ai avec l’élément aquatique. J’avais cette idée d'imaginer une histoire avec des aliens, mais sans qu'elle soit très réaliste. Donc ça fait bien longtemps. C’est assez personnel.
Cécile de France : C'est pareil pour moi. Souvent, après avoir choisi un film, je me dis : "Mon dieu ! Encore une scène avec de l’eau !". Dans presque tous mes films, j’ai une scène dans l’eau. Si bien que j'en suis venue à me dire : "Il va falloir que je scrute mon inconscient". Il y a quelque chose là-dedans – un message, peut-être, ou peut-être que j’essaie de me connecter à un aspect de ma vie antérieure, avant d’arriver sur terre. Je ne sais pas, mais j’adore les mystères. J’adore ce qu'on ne peut pas expliquer de manière cartésienne, voyez-vous. Comme Élise, je suis attirée par cette part mystérieuse de la vie.
Élise, vous maintenez le mystère sur presque toute la durée du film, mais entre vous, est-ce que vous avez parlé de potentielles explications, ou est-ce que vous vouliez que ça reste une inconnue dans vos esprits ?
E. O. : Nous avons beaucoup discuté, mais pas vraiment pour trouver des réponses. La poésie de l’histoire était très importante, donc même dans nos discussions, nous avions le sentiment que le secret, le mystère, devait être partout, dans chaque scène.
C. de F. : Nous étions plus concentrées sur la relation de Sarah avec ses enfants et les liens entre eux.
E. O. : Et au souhait d'être réalistes. La poésie devait être le mystère, il fallait qu'elle soit là, mais la relation et les difficultés, tout ce que la mère doit gérer, c’était très…
C. de F. : C’était très important pour nous et c’est là-dessus que nous avons concentré notre énergie. Avec les enfants [en l'espèce Navid et Darius Zarrabian], c’est toujours spécial. C’est très fragile. Élise a été une excellente metteuse en scène pour eux. Pour tout le monde, mais particulièrement pour eux. Elle a beaucoup préparé les choses pendant le tournage, de sorte que toutes les parties fantastiques se sont faites facilement, d’une certaine manière. Nous sommes toutes les deux connectées à notre enfance et comme nous avions deux enfants sur le plateau, nous pouvions facilement nous rapporter à eux et à cette partie de notre enfance dont nous avions vraiment besoin pour ce film, cette part d'elle-même qu'Élise veut... se réapproprier. Ce qui aurait pu être le plus difficile ne l'a pas été, grâce à notre formidable relation avec les enfants.
Les enfants sont une part fondamentale de l’histoire de Sarah. Comment avez-vous cultivé votre relation avec eux tout au long du tournage, devant et derrière la caméra ?
E.O. : Nous avons eu beaucoup de chance, parce que les acteurs sont frères dans la vraie vie. C'était clairement un vrai cadeau. Nous avons été très sincères avec eux. Je pense que nous n'avons jamais essayé de cacher l'élément difficile de ce que traverse cette famille. Bien sûr, ils n'entendaient pas toutes les scènes les plus dures. Nous avons essayé de les préserver des discussions d’adultes les plus profondes, mais ils étaient très malins. Ils ont compris le jeu.
C. de F. : Nous les avons invités à faire comme quand on joue : à ne pas prendre les chose trop au sérieux, à ne pas se dire "On fait un film, c’est très important".
E. O. : Tu as beaucoup fait ça. Pour moi, il était important de choisir des gens pour qui l’idée de travailler avec des enfants avait du sens. J’ai eu beaucoup de chance, parce que tous les acteurs ne sont pas disposés à jouer de cette manière avec des enfants.
C. de F. : Oui, mais je n’avais pas à les gérer. Je me suis sentie libre, je pouvais me concentrer sur mon rôle, parce qu’Élise était très attentive à eux, mais sans m'oublier. Je ne me suis pas sentie rejetée parce qu’elle devait s'occuper des enfants. La préparation a été pleine de joie et nos liens étaient forts dès avant le tournage. Ils savaient que nous faisions quelque chose avec une grande joie de le faire.
Au cours du film, Sarah passe de l’incrédulité à la croyance. La frontière entre ce qu'on pourrait appeler "l’imaginaire", ou le magique, et le monde réel est abattue. Comment décririez-vous l'évolution de la relation de Sarah avec ses enfants et sa famille ?
C. de F. : J'ai trouvé très intéressant de jouer un personnage qui évolue. Au début, elle est submergée par la charge mentale et son boulot de mère, qui est conséquent. Alors le public se demande : "Comment pourrait-elle être libérée de cela ? Comment va-t-elle devenir libre de cette situation ?". Après, il y a le problème avec son fils et instinctivement, elle décide de le croire, alors le public se dit qu'elle est peut-être folle. Le public oscille entre la partie cartésienne de la société et la question de pourquoi c'est dans une salle de cinéma, mais c’est pour ça : pour raconter des histoires. Ça fait partie de l’enfance. Pour moi, c’est très important d’envoyer un message à tout le monde, de dire au public : "N’oubliez pas votre enfance, s’il vous plaît. Vous serez un adulte heureux et un parent très proche de vos enfants". Donc on est gagnant des deux côtés, si on reste connecté avec son enfance.
Une dernière question sur les images, qui sont splendides. Les vues aériennes sur l’océan sont particulièrement frappantes. Quelles étaient vos références visuelles pour ce film ?
E. O. : La mer, bien sûr, était très signifiante. C’était une de mes obsessions, de mettre ces plans dans le film. Nous n’avions pas tant de temps que ça, mais nous sommes parvenus à avoir, de temps en temps, une autre caméra dédiées aux séquences aquatiques. Nous avons dédié beaucoup de moments très spéciaux, pendant le tournage, à nous concentrer uniquement sur la créature, sur l'eau, sur la baignoire. C’était très important pour moi.
(Traduit de l'anglais)
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