23/10/2024 - Rencontre avec la productrice de la société italienne Slingshot Film qui évoque le projet d’Alberto Diana

Fondée en 2013 et dirigée par Manuela Buono, la société italienne de production et de ventes internationales Slingshot Films, basée à Trieste, est présente au 46e Festival du Cinéma Méditerranéen de Montpellier où elle pitche à la Bourse d’aide au développement des Cinemed Meetings (lire le report) le projet Intra montes d’Alberto Diana.

Cineuropa : Pourquoi vous êtes-vous lancée dans le projet Intra montes ?
Manuela Buono : J’ai commencé à travailler avec Alberto Diana avec le documentaire Fango rosso qui avait pour cadre la région où il vit : le Sulcis, dans le Sud de la Sardaigne, un territoire truffé de mines abandonnés, de traces de cette colonisation industrielle que cette région a subie. Le film suivait deux chômeurs rêvant en vain de révolutionner leurs vies sur ce territoire sans véritable possibilités d’évolution. C’était un film un peu pessimiste sur la manière dont l’environnement est traité et aussi sur la génération qui y vit. En 2019, il a été sélectionné en compétition au Festival de Turin et comme nous nous entendions bien, nous avons décidé avec Alberto de continuer à travailler ensemble, mais cette fois en fiction. Nous avons donc d’abord produit son court métrage Frarìa qui était en compétition l’an dernier à Turin et dont sujet est très proche de celui du projet de long que nous avons commencé à développer en parallèle.

L’intrigue de Intra montes démarre en Sardaigne et a été inspirée au départ par un épisode de la vie du grand-père d’Alberto qui a ensuite été transformé dans le scénario. C’est l’histoire d’un adolescent qui est témoin dans les années 30 de l’assassinat de son frère aîné invalide par les Chemises Noires. Il reste choqué par cette violence, mais il ne saisit pas la matrice politique qui est derrière cet acte. Quelques années plus tard, quand il doit décider ce qu’il doit faire de sa vie et où trouver du travail car son village est très pauvre, il décide de s’engager dans la marine. Démarre alors un récit de voyage avec son meilleur ami qui est lui plus convaincu par le discours du fascisme et par ses ambitions de conquête, notamment coloniales. Ils se retrouvent finalement à Majorque, une île qui était alors occupée par les militaires italiens et ils prennent donc part à la guerre civile espagnole du côté des fascistes. Mais le protagoniste est désormais devenu adulte, il comprend maintenant la politique et pourquoi son frère a été tué, et il prend conscience qu’il est du mauvais côté de l’Histoire. 

À quel stade en est le projet ?
Alberto a quasiment finalisé l’écriture du scénario mais, et c’est pour cette raison que sommes aux Cinemed Meetings, nous aimerions maintenant travailler avec un co-auteur espagnol, catalan ou des Baléares par exemple, afin d’intégrer ce point de vue dans l’histoire. Le tournage se déroulera en Sardaigne et à Majorque et nous allons entrer en financement l’année prochaine aussi bien du côté italien qu’espagnol. Nous avons déjà une coproductrice française : Caroline Piras de Lilith Film, mais nous cherchons aussi évidemment une coproduction espagnole, ce qui est fondamental vu le sujet du film.

Quelle est la ligne éditoriale de Slingshot Films ?
L’activité de la société a débuté par les ventes internationales et le volet production est plus récent, mais la ligne éditoriale est plus ou moins la même : des films de jeunes auteurs, des premiers longs, des fictions, des documentaires, des œuvres de formats hybrides. Nous travaillons souvent avec des artistes venant de domaines d’expression assez proches du cinéma, des photographes par exemple, et qui se veulent se lancer dans la réalisation d’un film. Ce qui est important surtout, c’est de proposer un langage cinématographique qui éclaire et qui questionne notre vision du monde contemporain, même s’il s’agit d’un film historique comme Intra montes. À titre d’exemple du genre de cinéastes qui m’intéresse, Slingshot Films a récemment coproduit New Dawn Fades [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Gürcan Keltek
fiche film], le premier long métrage de fiction du Turc Gürcan Keltek qui a fait sa première mondiale cette année en compétition à Locarno où le réalisateur était passé en 2017 à Cineasti del presente avec le documentaire expérimental et très politique Meteors [+lire aussi :
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interview : Gürcan Keltek
fiche film].

Quels sont vos autres projets en cours ?
White Lies, le premier long métrage documentaire d’Alba Zari, une photographe chevronnée dont nous avions produit le court métrage Freikörperkultur qui était à la Semaine de la Critique à Venise en 2021, est actuellement en montage.

Est-ce que vous vendez à l’international vos propres productions ?
Absolument pas. Je préfère travailler sur les ventes de films qui ne sont pas les miens et avoir un vendeur pour les films que je produis. Ce sont des rôles vraiment très différents et c’est beaucoup mieux de ne pas mêler les deux activités.