Nadia Paschetto • Directrice, Arras Film Festival
"Notre intention n’est pas de montrer des films de niche"
par Fabien Lemercier
- Mise en lumière d’un cinéma européen parfois mal diffusée, soutien à l’émergence des nouveaux talents, goûts du public : la directrice du festival décrypte la 25e édition
Directrice du Arras Film Festival qu'elle a fondé avec le délégué général Éric Miot, Nadia Paschetto évoque la 25e édition qui démarre aujourd'hui (lire l’article et l’article).
Cineuropa : Le Arras Film Festival fête son 25ème anniversaire. Estimez-vous avoir atteint vos objectifs ?
Nadia Paschetto : Notre objectif a toujours été de mettre en lumière le cinéma européen dans toute sa diversité avec une prédilection pour les films des pays de l’Est. Dès le départ, nous souhaitions montrer des cinématographies peu diffusées en France, les mettre à l’honneur et essayer, par le biais de la compétition mais aussi à travers d’autres sections car nous avons constaté que cela fonctionnait maintenant, d’attirer les distributeurs français qui viennent faire leur marché à Arras, tombent sous le charme de tel ou tel film et en font l’acquisition.
L’autre gageure, et c’est ce que nous avons mis en place une fois le festival bien installé, c’était d’aider les jeunes auteurs à se faire connaître et à concrétiser leurs projets suivants. Nous avons donc beaucoup mis l’accent ces dernières année sur le volet professionnel des Arras Days. Le festival s’est structuré, construit, développé au fil du temps jusqu’à trouver sa juste place dans le panorama des événements cinématographiques. Nous sommes désormais bien connus et reconnus pour notre travail sur le cinéma européen, en France et dans le reste du Vieux Continent.
Votre manifestation est aussi réputée pour sa grande convivialité et son succès populaire (48 000 spectateurs l’an dernier, soit davantage que la population toute entière de la ville).
Notre intention n’est pas de montrer des films de niche, mais de faire découvrir des films qui soient accessibles à tous, à toutes les catégories d’âge et de spectateurs, avec des sujets de société, des sujets extrêmement humains, qui parlent de la famille, de ce que c’est d’être citoyen européen aujourd’hui, des difficultés des uns et des autres, le tout pour nourrir les échanges très riches entre le public et les cinéastes qui viennent présenter leurs films.
Notre programme est donc éclectique : il y en a pour tous les goûts avec l’idée de découvrir un cinéma divers et surtout de qualité. Et nous tenons aussi, au-delà des films du reste de l’Europe, à montre ce qui se fait de mieux dans le cinéma français. Cette année, nous avons la chance d’avoir comme invités d’honneur deux grandes comédiennes, Cécile de France et Sandrine Kiberlain, et l’immense acteur serbe Miki Manojlovic.
Cette année, vous consacrez deux Focus, l’un à l’Italie, l’autre à la République Tchèque.
Le cinéma italien est très en forme, il y avait beaucoup de films de très bon niveau et pour ne pas être contraint à des choix cornéliens, nous avons décidé de leur dédier un focus dans la section Découvertes européennes comme nous l’avons déjà fait par le passé avec le cinéma belge et le cinéma allemand. Quant à la République Tchèque, c’est lié au volet professionnel des Arras Days car au-delà du traditionnel pitching de notre Bourse d’aide au développement, nous avons décidé depuis 2022 d’y mettre un pays à l’honneur. Après la Slovénie en 2022 et la Croatie l’an dernier, nous présenterons donc 5 projets tchèques (deux en work in progress et trois en développement) dimanche 17 novembre. Nous avons aussi décidé côté festival de programmer un film tchèque en compétition (Radio Prague, les ondes de la révolte [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Jiří Mádl
fiche film] de Jiri Madl) et un Focus de trois films dans la section Visions de l’Est.
À quelques exceptions près et hormis la vague roumaine qui a perduré dans le temps, les cinéastes d’Europe de l’Est ont souvent du mal à s’inscrire dans le temps long en termes de notoriété internationale ? Comment l’expliquez-vous ?
Tout s’est tendu du côté de la distribution, y compris en France même si cela reste un pays très ouvert par rapport aux autre territoires européens où les films d’Europe de l’Est ne sont quasiment plus distribués. La problématique est double. D’abord, le financement de ces films est parfois compliqué dans leurs propres pays avec des coproductions internationales impératives, ce qui est complexe et ce qui prend du temps. Ensuite, certains de ces pays connaissent des coupes budgétaires à la Culture, accompagné parfois d’une montée du nationalisme. Ces considérations socio-politico-financières sont des freins pour les auteurs émergents. Et leurs films ne peuvent exister dans le monde qu’avec l’aide des festivals. Nous essayons de les faire connaître, mais la suite nous échappe. Cependant, on voit arriver des auteurs très prometteurs comme la Bulgare Nadejda Koseva par exemple, mais c’est vrai qu’en France, les distributeurs sans davantage tournés vers les auteurs scandinaves comme Rúnar Rúnarsson ou Magnus von Horn, etc.
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