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CINEMAMED 2024

Ish et Monir Ait Hamou • Réalisateurs de BXL

“On examine ce que ça coûte, d’avoir des rêves plus grands que soi”

par 

- Rencontre avec les frères, qui reviennent sur la genèse de leur premier long métrage, une histoire qui mêle les destins mouvementés de deux frères bruxellois d’origine marocaine

Ish et Monir Ait Hamou • Réalisateurs de BXL
Ish (à droite) et Monir Ait Hamou (© Cinemamed)

A l’occasion de la présentation en première bruxelloise au Cinemamed de leur premier long métrage signé à deux mains, BXL [+lire aussi :
critique
interview : Ish et Monir Ait Hamou
fiche film
]
, les frères cinéastes Ish et Monir Ait Hamou reviennent sur la genèse du projet, et les grands mouvements qui ont présidé à l’écriture de cette histoire qui mêle les destins mouvementés de deux frères bruxellois d’origine marocaine, pris entre leurs rêves et les assignations sociales.

Cineuropa : Qu’est-ce qui réside au cœur du film pour vous ?
Ish Ait Hamou
 : Pour nous, BXL est avant tout un film sur les rêves. C’est l’histoire de deux frères, qui vivent au centre de Bruxelles, qui essaient de réaliser leurs rêves, dans le contexte de cette ville, mais aussi en fonction de leur caractère, de leur situation familiale. Il y a eux et leurs rêves, et en face, la réalité. On examine ces deux frères qui essaient d’aller au bout du chemin, et ce que ça coûte, d’avoir des rêves plus grands que soi. Sur le papier, c’est beau, mais on n’a pas toujours conscience des sacrifices qu’il faudra engager. Est-ce que tout le monde devrait rêver aussi grand ? En Amérique, on dirait oui, mais de façon un peu plus nuancée, on peut s’interroger.

On a voulu aborder des sujets importants pour nous, qui nous touchent, la question des langues à Bruxelles, de la situation familiale, du poids de l’amitié aussi qui parfois peut représenter un obstacle. Parfois, ton meilleur ami peut se dresser sur le chemin de ta réussite.

Face aux rêves, il y a aussi les déterminismes, et les empêchements intérieurs. Tarek le grand frère semble s’empêcher lui-même.
Monir Ait Hamou
 : Oui, parfois le plus grand ennemi, c’est soi-même. Et puis les déterminismes, il arrive qu’on ne les voit pas, qu’il faille laisser passer du temps pour en prendre conscience. Ce sont ces petits détails, qui parfois sont cruels. Qui peuvent faire changer une trajectoire.

I.A.H. : Dès l’écriture, on savait que Tarek serait une personne introvertie, qui intériorise tout. Et quand on ne parle pas des choses importantes, on les porte comme un fardeau. Et tout s’alourdit. Il n’y a que sur le ring qu’il se lâche. Le jour où enfin il parle, il est à bout, il le fait mal.

Face à Tarek, il y a Fouad, son jeune frère, qui offre une autre facette, quelqu’un aussi pour qui tout est encore possible.
M.A.H. :
On voulait aborder beaucoup de thématiques, parler de notre enfance aussi. Avec Fouad, on voulait montrer que les problèmes commencent très jeunes, ça n’arrive pas d’un coup quand on devient adulte. On encaisse, jusqu’à ce qu’on ne puisse plus faire marche arrière.

I.A.H. : Fouad est plus ouvert, mais il est aussi rattrapé par sa quête d’identité. Dans son cas, elle se cristallise dans l’usage des langues, il ne trouve sa place ni en français, ni en néerlandais. Il est entre les deux. Vu ses origines marocaines, il ne se voit pas non plus comme complètement belge, car c’est l’image que la société lui renvoie. C’est compliqué de se trouver à cet âge, de se raconter soi-même, on s’appuie sur ce que les autres disent de nous.

Il y a aussi une réflexion sur comment grandir quand on manque de modèles.
M.A.H. :
Fouad manque de modèle en tant que garçon, mais c’est aussi peut-être surtout qu’il est entouré de gens brisés autour de lui.

I.A.H. : Tout le monde a des fissures, tout le monde essaie. Mais souvent, tu es jugé sur tes échecs. Sauf que oui, il est peut-être tombé, à un moment, mais il faut voir d’où il vient, le chemin parcouru aussi, ne pas s’arrêter à l’échec. C’est normal de tomber, de fauter, après avoir avalé une telle distance.

Le début du film est très pop dans le sens culturel et populaire du sens, avant que la tonalité ne prenne une tournure plus dramatique. Que représente cette introduction pour vous ?
M.A.H. :
On avait aussi envie de se faire plaisir ! Ouvrir le film dans une friterie, avec la confection d’un sandwich, une chanson de Jacques Brel, c’est une madeleine de Proust pour nous ! On voulait montrer des moments de vie, et la beauté de Bruxelles, malgré son chaos. Très vite cela dit, on inclut des éléments qui dérangent.

Vous montrez Bruxelles en dehors des sentiers battus, et rappelez aussi le racisme décomplexé que subissent une partie de ses habitants de la part des dominants, à travers des citations de politiciens, de Connor Rousseau à Donald Trump.
I.A.H. :
Visuellement, on voulait partager des endroits qui nous tiennent à cœur. Parce qu’on sait aussi que ceux qui parlent de Bruxelles comme d’un “enfer” ne la connaissent pas, ne connaissent pas celles et ceux qui y vivent. On commence le film sur une note positive comme on se lèverait du bon pied, mais au fil de la journée, on est rattrapé par la réalité.

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