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BERLINALE 2025

Tricia Tuttle • Directrice, Berlinale

“J'aime réfléchir aux manières dont nous pouvons continuer de servir les spectateurs existants tout en attirant de nouveaux, particulièrement des jeunes, pour en faire des cinéphiles”

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- BERLINALE 2025 : Le nouvelle directrice artistique évoque pour nous sa vision du festival allemand ainsi que son programme, ses politiques et son avenir

Tricia Tuttle • Directrice, Berlinale
(© BFI)

La nouvelle directrice de la Berlinale, Tricia Tuttle, nous parle de son approche, du programme, de politique et de l'avenir du festival. Elle explique comment elle a procédé, quand elle était à la direction du Festival BFI de Londres, pour trouver de nouvelles manières d’augmenter sa fréquentation et d’inviter de nouveaux publics. En effet, pour la première fois, le film d’ouverture de Berlin sera aussi projeté dans sept cinémas, répartis partout en Allemagne.

Cineuropa : C'est votre première édition en tant que directrice de la Berlinale. Quels sont les challenges les plus significatifs qui se sont présentés pour vous à votre arrivée et les changements que vous avez souhaité apporter
Tricia Tuttle :
Je m’occupe et de la partie artistique, et de la partie commerciale. J'avais en particulier la volonté de rendre le festival aussi durable que possible, dans des conditions de budget compliquées. Je veux le moderniser, mais ça veut dire m'assurer que l'événement soit très attrayant pour les sponsors, parce que nous avons besoin d’augmenter nos revenus. Je voulais aussi amener à Berlin le même genre d’énergie concentrée sur le public que celle que j’ai amenée au Festival de Londres avec le British Film Institute. Nous sommes non seulement un grand festival de catégorie 1 pour l'industrie : nous sommes aussi un festival qui accueille le public. Je trouve excitant d'envisager la manière dont on peut procéder pour continuer de servir les spectateurs assidus déjà existants, tout en intéressant de nouvelles personnes, notamment les jeunes, pour en faire des fanas de cinéma et des cinéphiles.

À Berlin, on se concentre souvent sur les films en compétition. Quelle était votre stratégie de sélection pour cette section
Pour la compétition, nous sommes sept à regarder les films et bien sûr, nous ne sommes pas d’accord sur tous. Le premier instinct est de trouver des films dont on veut passionnément que le monde puisse les découvrir. À l'intérieur de ça, on espère aussi trouver une gamme variée de réalisateurs/trices qui abordent le cinéma depuis des perspectives esthétiques, sociales et culturelles différentes. Enfin, nous pensions aussi en termes de pays représentés ; nous voulions nous assurer que le programme parle du cinéma international.

J’aime aussi avoir un mélange de réalisateurs très établis, comme Bong Joon-ho, Richard Linklater et Radu Jude, et d'auteurs qui en sont à leur deuxième ou troisième long et proposent des films marquant un bond qualitatif qui va leur permettre d'accéder à une reconnaissance internationale.

Après, comme nous avons la section Perspectives, il n’y a pas autant de premiers films en compétition, à l'exception d'un premier long très excitant, Hot Milk [+lire aussi :
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de Rebecca Lenkiewicz. Rebecca est déjà connue comme scénariste, mais c'est son premier film à la mise en scène.

Est-ce exprès que cette nouvelle section s’appelle Perspectives, un nom qui évoque l'ancienne section Perspectives du cinéma allemand ? 
C'est un petit clin d’œil, pour rendre hommage à cette section et au rôle qu'elle a joué pour permettre aux talents allemand d'accéder à la scène internationale. Dans le cadre d'un festival international, je pense vraiment que c’est une bonne idée que le cinéma allemand soit intégré dans le reste du programme, parce qu'ainsi, les buyers et la presse sont plus susceptibles de voir ces films.

Ce nom est aussi évocateur par rapport à ce que nous souhaitons pour cette section, à savoir que de nombreuses perspectives y soient représentées. Nous voulons vraiment avoir un instantané de ce qui se passe du côté des réalisateurs émergents des quatre coins du monde. Les 14 premiers longs-métrages au programme représentent des esthétiques et des regards de metteurs en scène très différents entre eux, illustrant de nombreuses approches de la narration cinématographique dans le champ de la fiction.

Quel rôle le cinéma allemand joue-t-il à la Berlinale ? 
Tous les festivals songent également à leur cinéma national et aux manières dont ils peuvent aider les talents locaux les plus enthousiasmants. C’était mon rôle au Festival de Londres. Nous avons une fonction très importante pour l’industrie nationale et le cinéma allemand est définitivement une rampe de lancement. Quand j’ai vu The Light [+lire aussi :
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de Tom Tykwer cet été, le lendemain, nous lui avons proposé de faire l’ouverture. C’est un récit tellement berlinois.

Pour la première fois, la Berlinale va aller plus loin que Kiez et présenter le film ouverture dans sept cinémas indépendants en Allemagne. Est-ce que cela va continuer ?
C’est notre ambition à tous de nous assurer que le public national et que les exploitants allemands profitent de la Berlinale. Cela passe aussi par l'idée de partager le festival avec le public en dehors de Berlin. Ça a été un peu plus facile à faire à Londres, parce que nous nous projetions pas des films en première mondiale. Les premières mondiales sont souvent très en avance sur la date de sortie officielle des films, à un moment où beaucoup n’ont pas encore été vendus à des distributeurs. Ce serait vraiment merveilleux de trouver des distributeurs qui veulent travailler avec nous de cette manière sur un ou deux titres par an. Je pense que ça donne vraiment envie au pays de s'intéresser à la culture du festival.

La Potsdamer Platz va-t-elle rester le centre du festival ?
À mon arrivée, je voyais bien qu’il y avait un problème dans la manière dont nous utilisions le lieu, parce que les infrastructures qui s'y trouvent, offrant 150 000 sièges, sont en train de disparaître. Quand je regarde Berlin, je vois tellement de cinémas magnifiques, dans des quartiers magnifiques et très culturels, mais la difficulté, pour Berlin, c’est que nous avons besoin de grosses infrastructures. Nous avons besoin d’hôtels, d'un espace pour le European Film Market, pour les projections de presse et les projections marché. Avec ce genre de demande d’espace, le potentiel de la Potsdamer Platz est en fait immense. Nous avons amélioré les choses cette année et construit un nouveau cinéma de 500 places, le Bluemax Theatre, qui accueille les films de la compétition Perspectives. Nous avons aussi construit un lieu pop-up qui s’appelle Hub75 et accueille des discussions en entrée libre tous les matins puis s'ouvre à tous les délégués l'après-midi. Cela va aider à créer un sentiment de visibilité, pour que les gens puissent se voir et discuter – c'est une part importante de n’importe quel festival. Quand on a les bons espaces, ça aide le programme.

La Berlinale est, traditionnellement, un festival politique qui a pour réputation de favoriser les débats entre les cultures en toute ouverture d’esprit. Comment gérez-vous cela en ces temps compliqués, où y a beaucoup de tensions ? 
J'en reviens toujours à ce mot : équilibre. Nous croyons en la liberté d’expression et nous croyons aussi que nos films présenteront toujours de nombreuses perspectives et mettront en avant nos intéressantes différences et notre pluralisme. Ça a été dur, de constater que l'actualité a dominé les débats dans les festivals de cinéma et autres événements culturels. Nous ne parlons plus assez de cinéma à proprement parler. Juste de géopolitique. Si c'est ce qui ressort des films, pourquoi pas, mais j'adorerais que les gens parlent aussi du cinéma comme art.

La sélection du Festival de Berlin a un impact important sur le European Film Market. Comment voyez-vous l'évolution des choses côté marché ?
Je pense qu’il va y avoir un marché très fort. La nouvelle directrice du marché et de Berlinale Pro, Tanja Meissner, a beaucoup d'expérience dans les ventes et la distribution. Nous avons en commun l'envie de connecter le programme du festival et l'industrie. Nous voulons aider les grands buyers à trouver les bons films au festival. Une grande partie du travail fait cette année sur le programme a consisté à clarifier la manière dont les gens peuvent digérer un programme complexe de 200 films.

Quelle est votre stratégie pour la Berlinale à l’avenir
L'idée est de continuer de mettre en avant toute la variété du cinéma international tout en créant des fenêtres pour de nouveaux publics, peut-être des gens qui ne sont jamais venus au festival pour découvrir de nouveaux travaux. Côté industrie, nous voulons que les bons buyers voient les bons films. Voilà notre ambition.

(Traduit de l'anglais)

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