Diego San José • Créateur de Celeste
“Rien ne réveille davantage mon empathie que les gens qui ont le sentiment de ne pas être aimés”
par Marta Bałaga
- Le créateur espagnol qui l'a emporté dans la section Panorama international de Séries Mania détaille pour nous sa création, qui montre à quel point les impôts peuvent faire peur

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fiche série] a recueilli une mention spéciale. Le film a également valu à Carmen Machi le prix de la meilleure actrice pour l'interprétation qu'elle y livre d'un personnage de contrôleuse des impôts qui poursuit infatigablement une popstar connue comme... vous l’avez deviné.. Celeste. Nous avons interviewé Diego San José, le créateur de cette série Movistar Plus+ réalisée par Elena Trapé.
Cineuropa : Il y a une certaine vérité dans ce que dit votre héroïne, Sara, à sa collègue : "Tu sais pourquoi les comptables finissent toujours ensemble ? Parce que personne ne nous aime". Qu'est-ce qui vous a donné envie de mettre ce personnage en particulier au centre d'une série ?
Diego San José : J’ai toujours adoré les gens qui ne se sentent pas aimés, et ceux qui ont peur. Quand une histoire, n’importe laquelle, a pour personnage central un être vulnérable, je tiens pour lui, en espérant qu’il va finir par surmonter ses problèmes. Rien ne réveille plus l’empathie chez moi que les gens qui ont l'impression de ne pas être aimés. On ressent tous ça parfois. Ou souvent.
Vous êtes parvenu à rendre les impôts intéressants, ce qui n'est pas la moindre des prouesses. A-t-il été difficile de convaincre les gens que ça pouvait fonctionner ?
J’ai eu beaucoup de chance, parce que Movistar Plus+ comme The Mediapro Studio ont compris tout de suite que c’était précisément ça qui rendait le projet original. Nous faisions d'un coup des impôts quelque chose de séduisant : une intrigue excitante. Je ne peux pas dire qu'il a été difficile de les convaincre : ils ont été partants d'emblée. La partie difficile est venue après, quand j’ai dû tenir ma promesse de transformer mon intrigue articulée autour de l'impôt sur le revenu espagnol en un film de gangsters.
Sara peut être vue comme quelqu'un d'assez effrayant. Elle se sent esseulée, mais elle sait aussi qu’elle a un vrai pouvoir, du fait de son travail, et elle aime s'en servir. Comment change-t-elle au cours de la série ?
C’est ça que j’aime bien chez Sara Santano : elle n’est pas franchement un modèle, mais ce n'est pas une mauvaise personne non plus. Elle veut faire les choses dans les règles, mais elle est disposée à déborder. Elle est terrifiante, parce qu’elle est grossière et inquisitrice, mais ensuite, on la voit toute seule chez elle et on comprend d’où vient cette attitude. Je ne pense pas qu'elle change de nature, mais elle se libère bel et bien de certaines choses qui lui pèsent, ce qui lui permet d’être un peu plus elle-même.
Le casting a été la phase la plus facile, parce qu'on savait dès le départ qu'on voulait Carmen Machi. À vrai dire, je ne sais pas si Carmen Machi est devenue Sara Santano ou si c'est l’inverse qui s'est passé. Nous avions en tête ce défi : inventer un personnage qui permette d'apprécier tout ce que Carmen a à offrir en tant qu'actrice. C'est la meilleure, dans le registre dramatique comme dans les comédies. Sara Santano a été taillée sur mesure pour exalter le talent de Carmen, si tant est que ce soit possible.
Contrôleuse des impôts contre popstar : diriez-vous que cette histoire est aussi une histoire de jalousie ?
Je ne dirais pas que ça parle de "jalousie", non, mais je comprends votre question. Je pense que c’est une histoire de souffrance, où on a des personnages meurtris émotionnellement par manque d'une personne spéciale dans leur vie. Celeste, Toni et Dani ont tous un moment où ils expliquent qu’ils ont souffert à cause de cet aspect de leur vie. Je pense que la série parle aussi de ça : de la tristesse qu'on ressent quand on est brillant dans son métier, mais un naufragé quand on rentre chez soi et que personne ne vous attend.
C’est son dernier contrôle fiscal, dit-elle. Les héros de films d'action ou les espions ont toujours "une dernière mission". Vouliez-vous jouer de ce cliché ?
Bien sûr ! Nous avons toujours suivi un compas qui nous menait dans une direction précise. Nous nous disions : "Racontons cette histoire comme si c’était un thriller". À chaque fois qu’on avait des doutes, on se demandait : "OK, que se passerait-il si, au lieu d'un contrôle fiscal, c’était un film de Sidney Lumet ?". Utiliser des clichés liés au thriller dans un thriller peut être banal, mais utiliser les mêmes figures classiques dans une histoire de contrôle fiscal nous amenait à un mélange d'ingrédients que nous avions vraiment envie d'essayer.
Cette victoire à Series Mania est historique pour l’Espagne, d'autant que Querer [+lire aussi :
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fiche série] a aussi été primée. Pensez-vous que les séries espagnoles vivent un bon moment ? Est-ce qu’elles prennent beaucoup de risques ?
Rien n'aurait pu augmenter la joie de remporter ce prix autant que le fait d'apparaître sur les photos avec nos collègues de Querer. Quiconque regarde la liste des gagnants à Series Mania va penser la même chose, chose qui nous semble encore incroyable : nos séries sont au même niveau que celles produites dans des pays dont nous pensions qu'ils étaient meilleurs en matière de fictions sérielles. À présent, il faut tout simplement que nous croyons en nous.
(Traduit de l'anglais)
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