Géraldine Sprimont • Productrice, Need Productions
"On se positionne sur des projets qui résonnent chez nous aussi bien en tant que productrices qu’en tant que citoyennes”
par Aurore Engelen
- La productrice belge nous parle de son approche au métier et de ses projets passés, présents et futurs

Géraldine Sprimont, représentante belge sélectionnée cette année dans le cadre du programme Producers on the Move de l'EFP, a rejoint Need Production en 2011, société qu’elle dirige depuis 2014 avec Anne-Laure Guégan. Ensemble, elles ont notamment produit et coproduit Nuestras Madres [+lire aussi :
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Cineuropa : Comment présenteriez-vous Need Productions en quelques mots ?
Géraldine Sprimont : On se positionne sur des projets qui résonnent chez nous aussi bien en tant que productrices qu’en tant que citoyennes. Ce sont des sujets que l’on se bat pour porter à la connaissance du public, ce qui nous pousse vers des films qui parlent de communauté souvent oubliées ou ignorées de l’Histoire ou de la société. Ce qui nous caractérise, c’est la complémentarité entre nos deux profils avec ma partenaire Anne-Laure Guégan, avec qui j’ai repris la société il y a une dizaine d’années. Anne-Laure vient du montage, elle a un sens très aigu du récit, très utile pour l’analyse du scénario. Mes études me renvoient plus vers la gestion et le management. Nos compétences se sont renforcées et nourries, pour arriver à un duo qui me semble efficace et pertinent.
Comment choisissez-vous vos projets ? vous coproduisez beaucoup, dans le monde entier.
On fonctionne au coup de coeur, c’est notre premier critère, avec le scénario, et les personnalités qui le portent. Les cinéastes bien sûr, mais aussi les producteurs ou les productrices, sachant que ce sont de longs trajets dans lesquels on s’embarque. Nous sommes aussi sensibles à l’originalité des projets, leur façon de ne pas répéter des choses déjà vues, mais aussi d’entrer en résonance avec le monde actuel.
Vous êtes actives aussi bien en fiction qu’en documentaire ou en animation.
On s’est lancées progressivement dans l’animation, d’abord avec des courts métrages minoritaires, et on s’est peu à peu spécialisées, notamment en développement le long métrage Melville. Aujourd’hui, on démontre une certaine expertise, sachant que c’est un domaine très spécifique, dans lequel on a de nombreux talents en Belgique. C’est un genre qui demande beaucoup d’argent, qui se déploie sur le temps long, mais qui est passionnant. Le documentaire est également un endroit que j’affectionne, où j’ai le sentiment d’apprendre énormément. Et puis le documentaire, c’est souvent un travail de longue haleine, mais avec de petites équipes, ce qui mobilise souvent moins de moyens que la fiction, ce format plus léger permet d’être produit en parallèle de la fiction, ou de l’animation.
Ce goût pour le documentaire, ce qu’il vous apprend, a un impact dans vos choix de fiction ?
Oui, je pense. Quand j’ai lu le scénario du premier film de Cesar Diaz, il m’a paru évident qu’il fallait que l’on entende parler du génocide qui a eu lieu au Guatemala. On s’apprête à tourner en Egypte Les Porcs du Caire, qui parle d’une époque où sous l’impulsion des frères musulmans, Moubarak a fait décimer tout le cheptel de cochons, un drame pour la communauté copte. Autant d’histoires qu’il nous semble important de donner à voir ou à connaître.
Est-ce qu’il vous semble qu’il y a des opportunités aujourd’hui en Belgique pour soutenir ces coproductions internationales ?
Pour nous, le levier, c’est d’abord le soutien des institutions, avant des mécanismes comme le Tax Shelter. La Commission du Cinéma en particulier, mais aussi Proximus ou Be TV, sont des partenaires très attachés au scénario, et très attentifs au cinéma d’auteur, disposés à nous soutenir dans des coproductions avec des pays lointains.
Que représente cette sélection à Producers on the Move ?
C’est un super moment pour nous, on a produit pas mal de films qui se sont fait reconnaitre en festivals et à l’international. Producers on the Move a retenu beaucoup de participants venus des pays de l’Est et des pays scandinaves, des pays avec lesquels nous n’avons pas l’habitude de travailler, mais on y réfléchit, justement. C’est une manière de découvrir de nouveau territoires, de nouveaux projets, et de nouvelles opportunités de financement.
Quels sont vos projets les plus récents ?
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fiche film], le deuxième film de Cesar Diaz a fait sa première sur la Piazza Grande cet été à Locarno, il vient de sortir en Belgique, et rencontre son public, après un accueil enthousiaste de la presse. On présente le long métrage documentaire Imago à la Semaine de la Critique. A Annecy, on présentera Allah n’est pas obligé, animation adaptée de Ahmadou Kourouma, coproduit avec la France, le Luxembourg et le Canada, qui sortira dans la foulée.
On tourne cet été Les Porcs du Caire, donc, de Rani Massalha, et fin août, The Wolf Will Tear Your Immaculate Hands, un film très ambitieux de Nathalie Álvarez Mesén, où toute la post-production sera belge. On est en production de Melville, animation de Romain Renard. Toujours en animation, le docufiction La Colline du Thym de Sarah Carlot Jaber, qui revient sur le massacre du camp de Tell-El-Zaatar, qui a eu lieu il y a près de 50 ans au Liban. Et on développe Helter Skelter de Paul Vincent de Lestrade dont nous avions produit les courts Un bon garçon, qui a remporté plus de 50 prix en festival, et Cage, qu’il vient de terminer. Le film parle d’une relation père-fille toxique, dans un contexte d’ultra-droite. Il a obtenu le Prix Cineuro, notamment, et séduit pas mal de gens, on espère tourner l’année prochaine. On a reçu un Prix SeriesMakers à Series Mania, et le soutien de MEDIA – Europe Créative pour une série de Cesar Diaz, dont on développe également le prochain long métrage.
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