email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

CANNES 2025 Quinzaine des Cinéastes

Valéry Carnoy • Réalisateur de La Danse des Renards

"Je voulais beaucoup de nervosité, et que le mélange entre la violence et la tendresse soit juste"

par 

- CANNES 2025 : Rencontre avec le cinéaste belge, qui développe des sujets comme l’injonction à la virilité et le rapport à la violence dans son premier long métrage

Valéry Carnoy • Réalisateur de La Danse des Renards
(© J. Glassberg)

Le cinéaste belge Valéry Carnoy parle sur son premier long métrage La Danse des Renards [+lire aussi :
critique
interview : Valéry Carnoy
fiche film
]
, présenté à la Quinzaine des Cinéastes du 78e Festival de Cannes, avec lequel il développe des thèmes déjà abordés dans ses courts métrages, l’injonction à la virilité et le rapport à la violence, à travers la trajectoire mouvementée d’un très jeune boxeur, qui suite à une blessure, questionne les raisons d’être de sa passion, et rencontre ses premiers chagrins d’adulte. L’histoire de la fin d’une amitié, aussi.

Cineuropa : Quelles sont les origines de ce projet ?
Valéry Carnoy : Je me suis souvenu d’une sensation ressentie à l’adolescence, qui a changé ma façon de voir le monde, et surement mon destin. J’avais 15 ans, j’étais en internat de sport-études, et suite à un accident, j’ai perdu beaucoup de sang. Les médecins et ma mère ont choisi de ne pas me transfuser, ce qui fait que j’ai été extrêmement faible pendant trois mois, j’ai dû arrêter le sport. Ça m’a rendu très sensible aux rapports de force qui se déployaient entre les élèves. Je ne savais plus me défendre, et on a commencé à m’agresser. Cette faiblesse m’a fait tout questionner, à un moment où la personnalité est en construction. J’ai voulu fictionnaliser ces sensations et ces sentiments. Ce qui m’intéressait, c’est que le personnage masculin a priori n’a rien pour être exclus, c’est un champion, admiré. Mais la complexité de la pression du groupe va mener à son exclusion. Ça se joue à rien, ce moment où on devient celui qui est harcelé.

Dans le film, le corps change suite à un accident, mais l’adolescence, c’est un corps qui change, hors de tout contrôle.
Quand on est ado, le corps change de façon radicale, et imprévisible, on est mignon un jour, laid le lendemain. En faisant le casting sauvage, on cherchait des boxeurs de haut niveau, avec des corps comme on n’en attend pas. Ce sont des corps hybrides, entre l’enfance et l’âge adulte. C’est pour ça aussi que je voulais de vrais ados, pas des jeunes adultes qui jouent des ados.

Il y a la faiblesse du corps, et la souffrance. Camille traverse l’adolescence vers l’âge adulte, et apprend qu’il va devoir faire avec la souffrance, vivre avec.
Oui, beaucoup de gens se disent : il a un problème psycho-somatique, il doit trouver une solution. Mais il n’y a pas de solution, c’est comme un burn-out. Comme si son cerveau essayait de le mettre en garde, la boxe n’est pas, ou plus faite sur lui. Il prend sur lui face à la pression du groupe, assume un dernier combat. Mais il doit accepter la douleur.

Pour Camille et Matteo, leur amitié est le territoire de l’enfance, ils semblent s’y accrocher, notamment à travers le rituel des renards qu’ils vont nourrir en forêt.
Ce qui lie Matteo et Camille, c’est l’admiration. Matteo admire Camille car il est fort, Camille admire Matteo car il est drôle et entier, et extrêmement sociable. J’ai l’impression que les amitiés qui remontent à l’enfance sont débarrassées de la notion de rivalité. Donc, les renards, effectivement, c’est ce qui leur reste d’enfance.

Est-ce que les amitiés masculines adolescentes peuvent résister au groupe ?
A cet âge-là, il y a la gêne, la pression sociale. L’amitié de Matteo et Camille ne va pas y survivre, immergé dans le groupe, Matteo n’hésite pas à exprimer sa honte.

Ce qu’ils traversent, c’est une première rupture, amicale.
J’aime l’idée de bromance, parce qu’elle intègre l’amour, non pas une attirance sexuelle, mais une profonde admiration, qui fait qu’on se sent bien avec quelqu’un. Je me souviens que jeune, ça m’effrayait de me sentir aussi bien avec des garçons, je m’interrogeais. Un coup de foudre amical, c’est de l’amour. C’était important pour moi qu’on ressente cet amour, ce respect, cette admiration. La déception de Matteo n’en est que plus terrible quand il ne comprend plus Camille. C’est une déception presque amoureuse.

Peut-on parler du huis clos qu’amène l’internat, et de l’aspect conte qu’amène la forêt ?
C’était important pour moi d’avoir un huis clos, entre jeunes, et que le monde des adultes (la ville en l’occurrence, où on finit le film), soit le plus éloigné possible. Dans la forêt, on a poussé la saturation, on filme à l’épaule, de façon organique, quand la ville est plus grise et stabilisée. Il fallait aussi que la nature soit prolifique. La nature et les animaux sont des objets de fascination pour les enfants et les ados, c’est un truc qu’on perd en grandissant. Et puis les moments tragiques pour les renards symbolisent aussi les moments tragiques de l’amitié de Camille et Matteo.

Quel était le plus grand défi ?
J’ai une véritable obsession pour le jeu. Comme je n’avais que très peu de comédiens professionnels, on a fait énormément de répétitions. Pour s’assurer que le jeu est bon, j’ai deux techniques. La première, c’est d’être sûr que les comédiens croient aux mots et aux personnages, ça passe par beaucoup de lectures, de discussions, je les ai laissés se ré-approprier le texte. L’autre truc, avec mon chef opérateur, c’était de comprendre que parfois, c’est l’endroit où on met la caméra, la façon dont on place les comédiens qui les rend mauvais. Ce n’est pas forcément eux qui sont mauvais avec un dialogue, ça peut être nous qui sommes mal placés, avec le mauvais point de vue. Et puis je voulais beaucoup de nervosité, et que le mélange entre la violence et la tendresse soit juste.

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Lire aussi

Privacy Policy