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CANNES 2025 Cannes Première

Alex Lutz • Réalisateur de Connemara

“Au-delà des milieux sociaux qui les opposent, ce qui empêche Hélène et Christophe, c’est peut-être surtout une question de timing”

par 

- CANNES 2025 : Le réalisateur et comédien français détaille son quatrième long métrage, un mélo social traversé par les souffles contraires de deux amants

Alex Lutz • Réalisateur de Connemara
(© 2025 Fabrizio de Gennaro pour Cineuropa - fadege.it, @fadege.it)

Alex Lutz est de retour au Festival de Cannes avec son nouveau film Connemara [+lire aussi :
critique
interview : Alex Lutz
fiche film
]
, l’adaptation du dernier roman de Nicolas Mathieu (Prix Goncourt pour Leurs enfants après eux), un mélo social traversé par les souffles contraires de deux amants qui tentent de rallumer le feu d’un amour de jeunesse envers et contre tous les empêchements du quotidien, incarnés par Mélanie Thierry et Bastien Bouillon.

Cineuropa : Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous lancer dans l’adaptation de ce roman ?
Alex Lutz :
J’avais déjà beaucoup aimé l’univers déployé par Nicolas Mathieu dans Leurs enfants après eux, mais ce qui m’a vraiment happé dans Connemara, c’est ce portrait singulier et complexe de femme. Il sort de toute binarité, Hélène n’est ni coupable, ni victime. Et puis j’aimais la façon dont le récit accompagnait les états d’âme du personnage, ses hésitations, et la résonance de cette histoire d’amour contrariée. Enfin, dans le roman, il y a aussi une forte présence du corps, le corps en devenir de l’adolescence, le corps devenu des adultes, le passage du temps est très présent, mais aussi le corps social. J’avais envie de tresser tous ces éléments, en m’inspirant notamment de la manière dont Nicolas Mathieu aborde la question du corps social d’une façon qui n’est jamais pédagogique, mais de manière vraiment vibrante, en le cherchant dans l’intime des personnages. Tout est très organiquement lié.

Justement, quels sont les moyens cinématographiques auquel vous avez recouru pour tresser le récit, où l’on ressent à la fois une esthétique du fragment, mais aussi de la superposition, notamment à travers la désynchronisation du son et de l’image ?
Il y a une chose par exemple à laquelle je tenais beaucoup, c’est que je ne voulais pas mettre en scène les souvenirs d’Hélène comme des reconstitutions des évènements, mais plutôt comme des impressions. On ne se voit pas soi-même dans ses souvenirs, on voit des détails, parfois on y figure en amorce du plan, en quelque sorte. C’est ce que j’ai recherché à partager, ces effets d’éclats. Quand au décalage entre les voix off de la bande-son et les images, c’est aussi une façon d’évoquer comment notre timing n’est pas toujours idéal dans la vie, on dit ou on fait des choses trop tôt ou trop tard, des conversations nous reviennent qui éclairent ce qui est en train de se passer, ou le contraire. Une façon de broder le temps.

Tout en ayant un ancrage social fort, le ton du film tend vers le mélodrame, et reste traversé par un souffle romanesque.
Il était évident pour moi dès le début que je ne souhaitais pas d’une approche documentaire du territoire, ni du milieu. Pour moi, tout ça se jouait dans de petites choses, la matière d’un vêtement, le bruit d’une doudoune, la disposition des pièces dans une maison. Ces détails où l’on devine les empêchements et les différences sociales, sans que l’on ait à les surligner. Et puis la notion de classe est de toutes façons devenue quelque chose de très poreux, on voit bien que les mêmes questionnements traversent plusieurs milieux, un sentiment de chagrin peut-être, ou encore d’avoir tout bien fait comme il faut, sans que ça marche.

Peut-on parler un peu de vos interprètes ?
Je trouve que Mélanie Thierry amène quelque chose de très concret tout en embrassant la dimension romantique du récit. Et puis elle a cette capacité à incarner la variation des sentiments avec une grande virtuosité, dans les plus petits détails. Quant à Bastien Bouillon, je cherchais un acteur qui puisse incarner Christophe sans tomber dans le panneau du mec sportif, qui puisse lui insuffler une forme d’élégance et de féminité même.

Leur couple pose la question : est-ce que l’amour peut résoudre la fracture sociale ? Leurs milieux, ou du moins là ils sont arrivés les différencient, mais aussi leur rapport au mouvement : Hélène cherche constamment à se déplacer, à bouger, tandis que Christophe est dans l’ancrage.
Oui, même si ce rapport n’est pas immuable, Hélène vit dans une sorte d’éloge de la fuite. Elle est constamment en mouvement, elle cherche à échapper à la reproduction, à la transmission d’un rapport figé à l’existence, de mère en fille. Christophe lui cherche à sécuriser les choses, à les ancrer, effectivement. Il est en support de son père comme de son fils. Finalement, au-delà des milieux sociaux qui les opposent, ce qui les empêche, c’est peut-être surtout une question de timing. Quand Christophe voudrait arrêter les choses, Hélène est dans un moment de sa vie qui est comme une parenthèse, vouée à disparaitre. Parfois, je me demande même si c’est vraiment une histoire d’amour qui les lie, si ce n’est pas plutôt un besoin de consolation, qu’ils rencontrent chacun à ce moment-là, qui les réunit.

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