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CANNES 2025 Compétition

Saeed Roustaee • Réalisateur de Woman and Child

"Les gens n’ont pas encore appris à être honnête"

par 

- CANNES 2025 : Le cinéaste iranien décrypte son film à multiples facettes centré sur une femme brisée qui ouvre les yeux, se relève et devient un moteur du changement

Saeed Roustaee • Réalisateur de Woman and Child
(© 2025 Fabrizio de Gennaro pour Cineuropa - fadege.it, @fadege.it)

Après Leila et ses frères en 2022, le cinéaste iranien Saeed Roustaee est de retour en compétition au 78e Festival de Cannes avec Woman and Child [+lire aussi :
critique
interview : Saeed Roustaee
fiche film
]
, son 4e long métrage.

Cineuropa : L’histoire de Woman and Child est d’une très grande richesse même si la ligne directrice du récit est clairement centrée sur Mahnaz. D’où vient l’idée du film ?
Saeed Roustaee : C’est une histoire que j’ai entendue partout autour de moi depuis mon enfance. Il y a tant d’exemple d’hommes venant pour leur fiancée et demandant finalement quelqu’un d’autre en mariage. Donc cette idée a toujours été là d’une certaine manière et comme j’ai l’habitude de travailler sur plusieurs scénarios et plusieurs sujets à la fois, avec sans arrêt de nouvelles idées, l’une d’entre elles fait soudainement intrusion et c’est vraiment comme si c’était la pulsation de mon sang que me disait : "fais de moi un film, fais de moi un film". C’est ainsi qu’est né Woman and Child.

Est-ce avant tout l’histoire d’une femme d’abord ouverte aux compromis avant de réaliser qu’elle ne doit pas en faire ?
Exactement. C’est une femme qui, à un moment donné, est prête à accepter un certain nombre de requêtes qui ne lui plaisent pas personnellement, afin de pouvoir vivre avec cet homme. Mais ensuite, non seulement elle ne veut plus faire de compromis, mais elle se créée sa propre trajectoire, elle devient un agent actif du changement, elle prend sa situation en mains, mais également celles de tout son entourage. Mahnaz créée le changement afin de sauver sa sœur, donc par extension la jeune génération iranienne.

Il y a de nombreux mensonges dans le film. Comment vouliez-vous traiter cette thématique ?
C’est davantage de la dissimulation. Peut-être que dans les sociétés plus progressistes, les différences entre les sphères privée et publique sont quasi inexistantes ou qu’à minima, on arrive à comprendre de l’extérieur ce qui se passe à l’intérieur d’une famille. Dans les sociétés plus conservatrices, l’Iran incluse, il y a une différence énorme entre ce qui se passe à l’intérieur d’un foyer et ce qui se produit en dehors. Par exemple, si vous appartenez à une famille, les gens parleront des autres d’une manière dont ils ne pourraient même pas rêver en public. Je pense que cela vient du comportement culturel de l’offrande que nous avons avec tout un ensemble très codifié de politesses. Par exemple, si quelqu’un arrive chez vous à l’improviste alors que vous deviez sortir pour une urgence, vous n’allez pas lui expliquer et lui dire de revenir une autre fois. Non, vous renoncez à la chose importante que vous deviez faire et vous vous asseyez, quitte à ne rien faire, afin de ne pas être impoli.

Un autre sujet majeur du film est l’éducation ?
Absolument. En Iran, à l’école, on apprend à se connaitre soi-même et à cacher les choses car on se développe hors de portée du regard de sa famille. Dans le film, le fils, Aliyar, cache des choses à sa famille de la même manière que sa mère lui cache des choses. Le problème, c’est que les gens n’ont pas encore appris à être honnête et ils ont l’habitude de cacher ce qu’ils pensent, donc tendance à ne pas être sincère. Mais cette dissimulation est malsaine. Si vous pensez par exemple comme Mahnaz, que vous remarier alors que vous avez déjà des enfants est une erreur, vous allez quand même cacher cette pensée. Et c’est seulement quand Aliyar meurt que Mahnaz en vient à le connaitre car elle découvre ce qu’il cachait, et en le connaissant, elle va se connaitre elle-même de plus en plus.

Quelles étaient vos principales intentions de mise en scène ?
L’élément le plus important, c’est que les personnages sont toujours en mouvement. Quand ils doivent s’asseoir, c’est la caméra qui bouge de façon à ce que cela reste naturel. Pour ce film comme pour mes précédents, ce qui était vraiment important pour moi dans des espaces aussi intimes que des foyers, c’est que ce sont toujours des espaces très restreints où les personnages se voient en permanence les uns les autres à courte distance. Ils ne se voient pas évidemment en plan large et cela signifie, car ce n’est pas simplement une question de regard, connaitre tout le monde très intiment, tout comprendre sur chacun d’eux, leurs secrets. C’est pour cette raison et pour donner ce sens de l’intimité et de la connaissance qu’à l’intérieur de l’appartement familial, on voit toujours les personnages en plan moyen ou en gros plan.

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