Irene Iborra • Réalisatrice de Olivia y el terremoto invisible
“Nous ne sommes jamais seuls ; on peut toujours compter sur quelqu'un”
par Alfonso Rivera
- La cinéaste espagnole se lance dans le long-métrage avec un film en stop motion usant aussi d'autres techniques où elle s'adresse directement aux enfants et défend des valeurs humanistes

Après y avoir présenté un court-métrage il y a vingt ans, Irene Iborra fait son retour au Festival d'Annecy avec son premier long-métrage, Olivia et le tremblement de terre invisible [+lire aussi :
interview : Irene Iborra
fiche film], adapté du roman La vie est un film de Maite Carranza, qui a réuni les efforts de cinq pays : l’Espagne, la France, la Belgique, le Chili et la Suisse.
Cineuropa : Combien de temps a pris ce tremblement de terre, de sa gestation à sa projection ?
Irene Iborra : J’ai acheté les droits de l’adaptation en 2017, et puis en 2020, on a commencé à préparer la pré-production et on a demandé des aides, et l’univers a voulu que ça se fasse, car le financement a été fluide. En tout, le projet a demandé cinq ans de travail.
Quelle était votre motivation personnelle pour vous lancer dans cette entreprise ? A-t-elle été intuitive, ou émotionnelle ?
Vous l'avez très bien dit : ça a été une combinaison d'intuition et émotion. Depuis 2004, je réalise des courts-métrages et je n'avais pas pour ambition de faire un long, parce qu'il fallait pour cela avoir une histoire solide qui puisse retenir longtemps mon envie et mon intérêt. Jusque-là, je n’en avais pas trouvé, et puis j’ai lu le roman de mon amie Maite et il m’a émue. J'ai trouvé que c'était une manière belle et délicate d'expliquer quelque chose de compliqué aux enfants, comme un enfant expliquerait quelque chose à un autre enfant. Je me suis demandé si j’allais être disposée à le porter autant de temps, mais il m'a touchée au cœur, d'autant que je venais de voir Ma vie de courgette [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Claude Barras
fiche film], qui prouvait qu'il était possible de monter ce type de film. Je me suis dit : tu sais la référence, avec des thématiques délicate. Tout cela m’a donné l'élan de faire ce film et rétrospectivement, je peux dire que ça valait la peine.
Le sujet est effectivement délicat, et il a une dimension sociale. Comment vous y êtes-vous prise pour qu'il ne vous échappe pas, mais qu'il soit suffisament traité ?
Ces sujets durs, traités avec innocence et de l'imagination, étaient déjà dans le roman, sans jugement, de sorte que la voie était déjà bien tracée. De plus, la technique du stop motion, qui est artisanale, additionnée d'un travail sur la texture (les marionnettes ont des cheveux en laine et les vêtements sont vraiment en tissu), permet d'avoir une belle qualité à l’écran. Ainsi, nous sommes parvenus à ce que le film soit engageant sans être niais : nous nous adressons aux enfants en adoptant leurs codes, en les tutoyant.
Au-delà du stop motion, vous avez employé d’autres techniques, comme celle des ombres.
Ça avait du sens, parce qu’il s’agit de petites histoires à l’intérieur du récit principal. La première technique est l'imitation des ombres et l'autre devait se faire avec du sable ou de la terre : jouer avec les matières nous a permis d’accompagner chaque histoire.
Le film, comme le roman, est une ode à l’imagination… et au cinéma, dirait-on.
Effectivement ! Le cinéma est un outil de vie. Olivia, l'héroïne, l'utilise ainsi : au début, il constitue un bouclier protecteur, mais plus tard, il devient aussi une prison, parce qu'il occulte sa peur, or tant qu'elle ne s'explique pas ses craintes, elle étouffe. Le film est une ode à l’imagination.
Vous avez réuni pour faire ce film une équipe internationale et très diversifiée.
Avoir une équipe aussi grande et dispersée a ses pour (ça apporte différents points de vue, différentes expériences) et ses contre, mais de manière générale, ça a très bien fonctionné : c’était compliqué, avec une équipe aussi nombreuse dans des fuseaux horaires différents (par exemple entre l'Europe et le Chili), mais nous avons eu de la chance de réunir autour du projet autant de pays. Sans eux, il aurait été impossible de monter ce long-métrage.
Les voix ont une importance particulière dans le film…
C'était audacieux de ma part, parce que j’ai voulu faire les voix avec des enfants et non des adultes jouant des enfants comme ça se fait habituellement, ce qui est plus commode. Je suis ravie qu'Emma Suárez joue la mère et Jordi Évole le journaliste : les avoir à nos côtés a été un privilège. Et il n'a pas été facile de trouver les voix des enfants, d'autant que nous avons choisi des petits jeunes qui n’étaient pas acteurs, mais des amateurs qu'on voulait les plus naturels possible, que nous avons repérés dans des collèges. Ça donne un bon niveau de réalisme au film.
Les valeurs portées par Olivia et le tremblement de terre invisible sont-elles nécessaires aujourd’hui ?
Le film s'articule autour de deux idées fortes. D'abord, nous avons la faculté de décider comment agir, de manière individuelle, mais nous faisons partie d’un ensemble, d'une communauté avec la nature. Ensuite, nous avons le pouvoir de nous aimer les uns les autres : c'est un film où les personnages s'embrassent beaucoup, nous nous en sommes rendu compte parce que leurs grosses têtes s'entrechoquaient souvent. J’espère transmettre aux enfants un message d'espoir : nous ne sommes jamais seuls, il y a toujours quelqu'un sur qui on peut compter. C'est un message important en ce moment, surtout pour les jeunes générations. Si en plus ils sortent du film avec le sentiment d'avoir eu chaud au cœur, mission accomplie !
(Traduit de l'espagnol)
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