Marcel Barelli • Réalisateur de Mary Anning
"Mary Anning transmet une force positive"
par Muriel Del Don
- Le réalisateur suisse parle avec nous de son amour pour les animaux, la musique et les personnages hors-norme dont la protagoniste de son film fait incontestablement partie

Après une série de courts-métrages sélectionnés dans de nombreux festivals, Marcel Barelli revient avec un premier long métrage d’animation intitulé Mary Anning [+lire aussi :
critique
interview : Marcel Barelli
fiche film], sur un personnage réel qui a chamboulé le monde des sciences. À l’occasion de la présentation du film en première mondiale au Festival International du film d’animation d’Annecy, Barelli nous parle du rapport qu’il entretient avec l’animation, de ce que la protagoniste peut nous apprendre sur le monde et de l’importance de rester soi mêmes, peu importe les adversités.
Cineuropa : Est-ce que vous avez toujours voulu travailler dans le monde de l’animation ?
Marcel Barelli : Disons que j’ai toujours dessiné. C’est un peu ma mère qui m’a poussé vers cette voie en me disant qu’avec un crayon et du papier on ne s’ennuie jamais. Cela dit, jusqu’à mes 16 ans je ne savais pas qu’on pouvait en faire un métier et je n’avais jamais pris ça au sérieux. Je voulais devenir paléontologue. Mon autre passion était le cinéma mais, là aussi, je ne savais pas qu’on pouvait en faire un métier. Finalement, après avoir fait un apprentissage en chimie et avoir passé du temps à réfléchir, je me suis inscrit à une école de cinéma à Genève. Assez vite, sans même penser au dessin, je me suis rendu compte que le plateau, les acteurs, la caméra n’étaient pas forcément quelque chose qui me plaisait. En me sentant très à l’aise avec le dessin, l’animation m’a semblé une évidence. Je voulais raconter des histoires mais avec mes dessins, à ma façon.
Quelle image vouliez-vous donner de Mary Anning ?
Très vite, j’ai décidé que ça devait être un film pour les enfants, pour les familles. Du coup, j’ai décidé de me concentrer sur la jeunesse de Mary Anning. Même si elle a réellement existé, il ne s’agit pas d’un personnage historique richement documenté. Cela nous a avantagés parce qu’on pouvait fictionnaliser certaines choses. Ça ne m’intéresse pas du tout de créer des histoires de fiction, c’est pour cette raison que, dans mes films, il y a toujours une partie de vérité. Pour ma première fiction, je voulais que la vie de Mary Anning telle que je la racontais soit en bonne partie réelle. J’avais envie que le public comprenne qu’on peut la considérer comme la créatrice de la paléontologie, celle qui a fait une découverte qui a chamboulé le monde des sciences. Pour ce qui est de mes motivations, il y en a deux : réaliser un film que j’aurais bien voulu voir quand j’avais 10 ans et réaliser un film que j’aurais voulu que mes enfants voient quand ils avaient 10 ans. Je voulais réaliser un film sur un personnage presque contre-courant, historiquement un peu anachronique. Mary Anning est une femme, elle est pauvre et elle crapote dans la boue, même si c’est mal vu. Sa cohérence est une force, quelque chose d’exemplaire. Elle transmet une force positive que j’avais envie de transposer dans le film, elle tient bon pour continuer à faire ce qu’elle aime, quelque chose de juste et d’important.
La musique donne au film un surplus de tendresse et de liberté. Quel rôle jour la musique dans votre processus créatif ?
J’aime bien quand la musique joue un rôle dans les films, qu’elle n’habille pas seulement les images. Pour ma première fiction, je voulais que la musique ait un sens particulier. Dans le film elle est anachronique, elle adhère au caractère du personnage principal qui est pétillant, un peu au contre-courant de son époque, un peu punk en fait ! La compositrice de la musique (Shyle Zelewski) est une autrice de BD alternatives que j’aime beaucoup. Elle est hyperactive et fait plein de choses. Elle vend ses CD sur son site, d’une façon presque cachée. Je lui ai demandé de me montrer son travail et elle avait des centaines de pistes. Finalement, elle nous a cédé les droits pour les chansons. On lui a fait également composer une chanson spécialement pour le générique de fin.
Les animaux occupent une place très importante dans vos films, d’où vient cette passion, cet amour ?
Ce que j’aime dans mes courts est que les animaux nous parlent surtout de nous et de notre rapport à eux. Quelquefois, ils sont carrément un miroir de notre société, de notre rapport aux autres. Pour Mary Anning c’est un peu spécial. Au contraire de ce qui se passe dans mes films précédents, tous les animaux présents, sauf Tray, le chien de la protagoniste, sont réalistes malgré leur côté rigolo. Pour ce film je voulais garder un certain coté réaliste et que la belle relation que Tray tisse avec la protagoniste soit mise en avant. Au début, Tray est le seul ami de Mary, si on ne considère pas son père. Privée de son père elle est seule, même si elle a le soutien de certaines personnes. Elle va apprendre par la suite à se faire des amis et surtout elle va découvrir qu’elle n’est pas seule, qu’il y a d’autres gens comme elle, qui la soutiennent et comprennent, des gens de toutes les classes sociales et d’âges différents. Les animaux parlent toujours de nous et, dans mon film, la vraie star c’est le fossile découvert par Mary à un moment clé de l’histoire. A partir de là on a envisagé l’histoire de l’humanité différemment.
(Traduit de l'italien)
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