Guérin Van de Vorst, Sophie Muselle • Co-réalisateurs de Au bord du monde
"Nous voulions que le film soit une expérience immersive dans le point de vue de notre héroïne, au cœur de l’hôpital psychiatrique"
par Aurore Engelen
- Les co-réalisateurs nous parlent de leur histoire d’une jeune stagiaire infirmière en psychiatrie, plongée au cœur de l’institution, qui apprend à ses dépens la violence du système

Guérin Van de Vorst (réalisateur notamment du long métrage La Part Sauvage [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Guérin Van de Vorst
fiche film] avec Vincent Rottiers) et Sophie Muselle présentent en Compétition Nationale au Brussels International Film Festival leur film Au bord du monde [+lire aussi :
critique
interview : Guérin Van de Vorst, Sophi…
fiche film], doublement primé au Festival de Mar Del Plata (Prix du Meilleur Film et Prix de la Meilleure interprétation pour Mara Taquin), l’histoire d’une jeune stagiaire infirmière en psychiatrie, plongée au cœur de l’institution, qui apprend à ses dépens la violence du système, et la complexité du rapport aux autres dans ce contexte chargé.
Cineuropa : Qu'est-ce qui réside au cœur du film pour vous ?
Guerin Van de Vorst : Je dirais que c'est avant tout le portrait d'une jeune infirmière stagiaire dans un hôpital psychiatrique qui va à la fois devoir se battre contre la machine médico-légale avec laquelle elle entre en opposition, mais aussi avec la violence des patients et sa propre tendance à agir en fonction de ses affects.
Quelles sont les origines du projet ?
Sophie Muselle : Je suis psychologue, psychothérapeute et je suis metteur en scène d'une troupe de théâtre, L'appétit des Indigestes, qui mélange des personnes qui sont passées en psychiatrie ou pas. La question de la psychiatrie et de comment on traite les personnes psychiatrisées m'intéresse depuis toujours. Nous avions une amie commune infirmière psychiatrique qui nous a raconté son histoire. On s’en est inspiré.
G.V.d.V. : Pour questionner la société, c’est intéressant de voir ce qui ce qui se passe à l'intérieur des hôpitaux psychiatriques, il y a énormément de jeunes particulièrement avec des problèmes psychiques aujourd'hui. De quelle manière sont-ils pris en charge ? Il nous semblait intéressant d’accompagner une jeune femme qui doit apprendre le métier, le spectateur adopte complètement son point de vue.
S.M. : On voulait montrer une jeunesse qui cherche, qui se trompe, qui recommence, et qui n'abandonne pas. On n’a pas voulu donner de réponse, savoir si Alexia faisait bien ou pas les choses. Ce qu'on a voulu montrer, c'est qu’elle les faisait avec tout son cœur et avec tout son idéalisme.
Ça pose aussi la question : peut-on soigner sans affect, quelle part de soi-même peut-on mettre dans le soin ?
G.V.d.V. : C'est toute la question du film, quelle distance adopter pour à la fois rencontrer l'autre, le soigner et en même temps ne pas complètement se brûler soi-même. Qu'est-ce qu'une distance thérapeutique ? Est ce qu'il faut la respecter ? Est ce qu'on peut s'approcher vraiment tout contre ? C'est toutes ces questions-là que pose le film.
Mais il y a aussi la réalité de l'unité dans laquelle exerce Alexia, sa réalité administrative, financière, les conditions dans lesquelles les soignants peuvent exercer.
S.M. : Il est clair que les moyens ne sont pas suffisants pour pouvoir travailler correctement. Mais ce n'est pas le cœur du film en fait, même si c'est ce que beaucoup de soignants nous racontent.
G.V.d.V. : Effectivement, il y a des vrais problèmes de financement des hôpitaux psychiatriques en particulier. Même si ce n’est pas le sujet principal, on voit bien que c'est un combat de tous les jours pour les soignants de faire du bon travail, sachant qu'ils sont en sous-effectif et sous-financés. Comment garder son humanité dans une telle machine ?
S.M. : Il faudrait pouvoir inventer une façon de soigner propre à chaque patient, mais ça demande du temps, de la créativité, beaucoup de communication entre les soignants. On n'a pas voulu donner de leçon sur ce qu'il faudrait faire. Mais le film questionne néanmoins les usages.
Comment avez-vous pensé la mise en scène de ce portrait ?
G.V.d.V. : Nous voulions que le film soit une expérience immersive, qu'on soit complètement dans le point de vue d’Alexia, au cœur de cet hôpital psychiatrique, et qu'on ne la lâche pas d'une semelle. Le film se passe sur une durée relativement courte, sur quelques semaines et c'était important pour nous de vraiment vivre avec elle. Et aussi de donner au spectateur le sentiment d'être enfermé avec elle, c’est quasiment un huis clos.
S.M. : On a choisi de tourner en plan séquence pour plusieurs raisons. D'abord parce que le plan séquence met l'acteur dans une forme de fragilité, d'imperfection, et c'était ce qu'on voulait aussi raconter dans le film, la difficulté de faire des choix dans ce milieu, et donc une forme d'acceptation du fait qu'on n'est pas parfaits. Par ailleurs, on voulait essayer de montrer le temps qui passe de façon tout à fait différente quand on est à l'intérieur de l'hôpital et quand on est à l'extérieur.
Quel était pour vous le plus grand challenge avec ce film ?
S.M. : Ce qu’on voulait transmettre avant tout, c’est l'humanité d’Alexia, son humanité et son combat sans relâche. Son envie d'aller jusqu'au bout de ses idéaux.
Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.