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France

Hugo David et Raphaël Quenard • Réalisateurs de I Love Peru

"C’est surement le film le plus authentique que j’ai pu faire, même si c’est de la fiction"

par 

- Rencontre à propos du mockumentaire joueur qui met en scène un vrai/faux Raphaël Quenard, jeune comédien qui a le vent en poupe, jusqu’au Pérou

Hugo David et Raphaël Quenard • Réalisateurs de I Love Peru
(© Jérémy Adonis)

Ce 9 juillet sort en France (Le Pacte) et en Belgique (Case Départ Distribution) I Love Peru [+lire aussi :
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fiche film
]
, long métrage de fiction aux allures documentaires réalisé par le réalisateur Hugo David et l’acteur et réalisateur Raphaël Quenard dévoilé en mai dernier à Cannes dans la section Cannes Classics. Le film relate l’ascension d’un jeune comédien à la personnalité bien tranchée, qui grimpe à toute allure les marches du succès, jusqu’au César, consécration qui le fait exploser en vol. L’atterrissage, couplé à un chagrin d’amour, l’envoie au Pérou, en quête de sens, où le suit son fidèle ami et biographe, qui le filme à toute heure du jour ou de la nuit. Imaginé et tourné à deux avec Hugo David (qui rencontre Raphaël Quenard sur le tournage de Chien de la casse [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
dont il tourne le making of), le film prend la forme d’un documentaire vérité, tout en s’adossant à la citation de Neruda : "La vérité c’est qu’il n’y a pas de vérité". Une vision en mouvement de ce que pourrait être la vie d’un jeune comédien en passe d’avoir la carte (sauf accident) dans l’industrie du cinéma français aujourd’hui, et une réflexion sur la nature de l’acteur, surtout quand sa personnalité hors plateau devient sa marque de fabrique.

Cineuropa : Comment définiriez-vous le film en quelques mots, qu’est-ce qui est en son cœur ?
Hugo David :
C’est une comédie, qui parle d’amitié, mais pas seulement, qui porte aussi un regard critique et parodique sur le monde du cinéma et les gens qui le composent.

Comment la matière documentaire du début (la vie de Raphaël Quenard) devient matière à fiction ?
Raphaël Quenard :
On a tout de suite eu l’envie de faire un mockumentaire, de tourner les choses en dérision. A l’origine, on voulait faire un film qui s’appellerait Sur la route d’un hypothétique César, l’histoire d’un comédien obnubilé par les récompenses, qui gravite dans l’industrie mais sans en avoir les codes, et se heurte avec maladresse à une réussite qu’il pourchasse.

H.D. : L’idée était de tirer parti de la réalité de la vie de Raphaël, qui commençait à tourner de plus en plus de films, ce qui nous donnait accès à cette matière. C’était un micro-dispositif, puisqu’il mobilisait deux personnes seulement, Raphaël et moi. Ce que ça coûtait, c’était du temps, le nôtre en l’occurrence.

R.Q. : On a emmagasiné énormément d’heures pour cette première partie. Sur les 200h heures de rushes, on en avait 190 sur les tournages, qui représentent les 25 premières minutes de film ! Pour la deuxième partie, au Pérou, on avait un scénario, c’était beaucoup plus cadré.

Comment justement arrive cette deuxième partie, où Raphaël invite Hugo à l’accompagner pour des vacances au Pérou qu’il aurait dû faire avec son ex-petite amie ?
R.Q. : D’un vrai billet d’avion en trop… et d’une vraie déception scénaristique. On nous avait incités à écrire un scénario, suite aux centaines d’heures de rushes qu’on avait sur les plateaux. Mais ce scénario coûtait beaucoup trop cher à produire, et la grande liberté dont on avait bénéficié était quant à elle difficile à reproduire. Alors on est partis au Pérou dans l’optique de faire complètement autre chose, un film qui aborderait le deuil amoureux, même si toujours sous un angle comique, et toujours via le prisme du mockumentaire.

H.D. : Quand on est revenus, en le montrant au producteur de la première partie, il nous a dit: "les deux parties marchent ensemble". En montage, on s’est dit que ce qui liait les deux, c’était notre histoire d’amitié. C’est donc devenu le fil rouge de tout le projet, et c’est la voix off qui a unifié le tout, ça a vraiment été la dernière pièce du puzzle.

L’une des questions du film, c’est est-ce qu’une personne publique, ici un comédien, peut être autre chose qu’un personnage ?
R.Q. : Personnage, ça vient de ‘persona’, le masque. Quand on est devant un public ou un auditoire, automatiquement, nos cerveaux changent de mode, pour nous présenter sous un jour différent. Devant une salle, on a peur car on est devant des inconnus, et notre cerveau reptilien traduit ça comme : "ce sont des ennemis qui vont peut-être nous tuer". C’est un héritage préhistorique. Forcément, ce métier réduit nos zones d’intimité. Même si en vrai, les moments où il y a une caméra qui me suit ne représentent qu’une infime partie, mais elle est l’objet d’un fantasme chez les autres.

Tourner en petite équipe, c’était aussi une liberté constitutive du projet ?
R.Q. :
En tant qu’acteur, le fait de ne tourner qu’avec Hugo, mon ami vis-à-vis duquel je n’ai aucune gêne me permet d’aller dans des zones émotionnelles intenses sans me sentir jugé. Alors que dans un cadre plus conventionnel, avec une grande équipe, un texte, une mise-en-scène, des costumes, d’autres acteurs, tout ça ce sont des barrières entre la situation que tu racontes et une forme de crédibilité. La contrepartie, ou les inconvénients parfois, c’est qu’on ne peut pas esthétiser le truc, pas de maquillage, pas de belles lumières, ou de mouvements de caméra de fou. L’autre liberté, c’est qu’il n’y a pas eu tous les intermédiaires qu’on trouve dans un film classique, qui te disent "tu peux pas aller dans cette direction", "tu peux pas écrire ça", "tu dois faire plus de place à ce personnage". Le nombre d’intermédiaires est tellement réduit que c’est surement le film le plus authentique que j’ai pu faire, même si c’est de la fiction. C’est autant de distance en moins entre l’artiste et le public, aussi.

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