Janicke Askevold • Réalisatrice de Solomamma
"Pour tous les membres de l’équipe c’était très important de respecter les femmes qui font ce choix et qui ont inspiré le film"
par Giorgia Del Don
- La réalisatrice norvégienne nous parle de celles qui ont inspiré son film ainsi que de son actrice principale

Nous avons discuté avec la réalisatrice norvégienne résidante en France Janicke Askevold qui a présenté Solomamma [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Janicke Askevold
fiche film] en compétition au Festival de Locarno. Le film brosse le portrait d’Edith, une mère solo mais également une femme qui se bat pour défendre son choix.
Cineuropa : Votre film ne questionne jamais le choix fait par Edith. Il y a au contraire une sorte de besoin de normaliser cette forme de parentalité qui sort du modèle patriarcal. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
Janicke Askevold : C’était voulu, nous avons choisi d’aller au-delà du fait de savoir si c’est bien ou pas d’avoir un enfant de cette façon. J’ai beaucoup discuté avec des mères solo en Norvège qui veulent toutes que leurs enfants soient considérés comme normaux, c’est quelque chose qui les inquiète beaucoup. Je pense que les critères qui définissent ce qui est "normal" changent avec le temps. Si on pense au film des années 70 Kramer vs. Kramer par exemple, nous nous rendons compte de combien le débat autour des enfants de divorcés a évolué. Aujourd’hui on questionne beaucoup plus le concept de famille et c’est ça que je trouve intéressant à explorer.
Il faut dire que c’est un thème qui fait toujours débat, surtout dans les pays où la conception d’un enfant par donneur reste une pratique interdite par la loi.
Je pense que dans les pays où c’est encore illégal, les spectateurs réfléchiront peut-être au film d’une façon différente par rapport aux pays nordiques où on est beaucoup plus avancés sur la question. Le débat sur les supposés "dangers" de grandir sans un père existe, pourtant, nombreux études montrent qu’un enfant élevé seulement par des femmes ne manque de rien. Pour ce qui est d’Edith, la protagoniste de mon film, au début elle voulait faire tout le contraire de ce que sa mère avait fait, c’est-à-dire ne jamais parler à sa fille de son père. Au même temps, Edith s’est rendue compte qu’elle se trouvait dans la même situation puisqu’elle élevait un enfant toute seule. En tout cas, je pense que rendre légal le fait d’avoir un enfant toute seule est très important parce que même si ça ne l’est pas, les femmes iront chercher un donneur dans un autre pays. Avec mon film je voulais transmettre le message que c’est une façon normale de concevoir un enfant et que celui-ci peut être heureux, tout comme les autres enfants.
Comment avez-vous travaillé pour construire le film ? Connaissiez-vous bien le sujet ? Avez-vous des amies qui ont fait ce choix ?
En plus des personnes que je connais personnellement, j’ai passé beaucoup de temps à effectuer des recherches, à parler avec des femmes qui ont fait ce choix dans plusieurs villes en Norvège. J’ai également discuté avec des médecins et des psychologues pour mieux comprendre le sujet. Tout ce qui se passe dans le film est basé sur la réalité. Je trouve très fascinant ces femmes qui créent des communautés avec d’autres mères solo en ligne ou dans la vie réelle, qui se soutienne et donnent des conseils et même des femmes qui décident de partager le même donneur, comme dans le film, pour que leurs enfants aient la possibilité de grandir ensemble. Je trouve ça très intéressant et fascinant, c’est un monde que j’ai découvert en faisant le film. Toute l’équipe était investie dans la recherche autour du monde des mères solo. Pour nous c’était très important de respecter les femmes qui font ce choix et qui ont inspiré le film.
Bien que le sujet traité dans le film soit complexe et délicat, il est toujours empreint de légèreté et d’espièglerie. D’où vient ce côté qu’on associe peut-être mois spontanément à la Scandinavie ?
Pour ma part, je suis norvégienne mais je vis en France et je pense que ces deux cultures m’ont inspirée pour le film. Quand j’ai réfléchi au personnage d’Edith, je voulais qu’elle ne soit pas héroïque, elle devait être complexe, avec ses qualités et ses défauts. Elle doute, même si elle veut se montrer très forte et indépendante. Le métier de journaliste qu’elle exerce m’a toujours fascinée, c’est un métier de responsabilité et au même temps il y a toujours cette curiosité qui est au cœur de toute investigation.
La façon dont Edith interagit avec le donneur est aussi très intéressante parce qu’elle n’est jamais dans la séduction directe. Vous êtes d’accord ?
Exactement, je suis très contente de l’entendre parce que pour moi cet aspect est très important. Lisa Loven Kongsli, mon actrice principale, a cette qualité. Même si elle est très belle, elle n’utilise jamais son charme pour obtenir quelque chose, elle est très droite dans ses bottes. Du coup, la relation qui se crée avec le donneur dans le film est beaucoup plus intéressante. Pour moi c’était très important qu’entre les deux acteurs, Lisa Loven Kongsli et Herbert Nordrum, il y ait une vraie alchimie, qu’on y croit.
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