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VENISE 2025 Compétition

Pietro Marcello • Réalisateur de Eleonora Duse

“Ça s'est peut-être passé il y a cent ans, mais ça en dit long sur notre époque”

par 

- VENISE 2025 : Le cinéaste italien nous explique comment il voulait rendre hommage à une des comédiennes de théâtre les plus légendaires du siècle passé

Pietro Marcello • Réalisateur de Eleonora Duse
(© Aleksander Kalka/La Biennale di Venezia - Foto ASAC)

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, un des cinq titres italiens en compétition à la 82e Mostra de Venise, Pietro Marcello explore une époque et rend hommage à une des comédiennes de théâtre les plus célèbres et encensées de la fin du XIXe siècle et du début du XXe, Eleonora Duse (1858-1924), incarnée dans le film par Valeria Bruni Tedeschi.

Cineuropa : Quelle est l'étincelle qui vous a donné envie de faire ce film, et le qualifieriez-vous de biopic ?
Pietro Marcello : Je n'appellerais pas ça un biopic du tout. C'est plus un travail qui essaie de rendre l’esprit de Duse à travers un cinéma fait d’imagination, d'inventivité et de fiction : une transposition. Cela dit, nous avons fait beaucoup de recherches, grâce à nos excellents scénaristes, Letizia Russo et Guido Silei. C'est d'ailleurs avec Guido que tout a commencé, quand il a mentionné Duse comme sujet possible. Je me suis immédiatement senti intrigué par cette femme parmi les plus rebelles et révolutionnaires de son temps. J’ai aussi immédiatement pensé à Valeria Bruni Tedeschi pour ce rôle. Dans l’ensemble, pour ce projet, tout s'est mis en place rapidement et de manière très fluide.

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Une question par rapport à vos recherches. On dit qu'il existe très peu de documentation sur Duse, bien qu’elle ait fait un film en 1916, Cenere (litt. “cendre”). A-t-on des enregistrements de sa voix ?
Thomas Edison l'a enregistrée en 1896, mais le document s'est perdu, alors il nous reste Cenere, son film, qui existe encore, et les photographies, mais au-delà de ça, nous n'avons pas plus de détails sur son apparence et la manière dont elle se comportait.

Sait-on pourquoi elle n’a pas fait davantage de films ?
Elle adorait le cinéma et allait très souvent voir des films, pour étudier. Elle avait vraiment envie de faire des films, mais elle a été assez traumatisée par l'unique expérience qu'elle a eue du cinéma. À ce stade, elle avait 58 ans, et elle s’est rendu compte qu’elle n’était plus ce type de jeune actrice que le médium filmique chérissait, alors elle a envisagé de passer à la mise en scène. Le projet qu'elle rêvait de faire était une adaptation de La Dame de la mer, la pièce de Henrik Ibsen. Elle a négocié avec un producteur américain et elle a même commencé à rechercher des acteurs, mais c'est tombé à l'eau.

L'action du film coïncide avec la Première Guerre mondiale et le début des années 1920, c'est-à-dire qu'on s'intéresse ici aux dernières années de la vie de Duse. Pendant cette période, on assiste à la montée du fascisme et l'arrivée au pouvoir de Mussolini, très présent dans le film. Duse comme son ami le dramaturge Gabriele d’Annunzio, qui a lui aussi un rôle important dans l’histoire, ont fait partie de cette mouvance. Dans quelle mesure diriez-vous qu’elle y a pris part ?
Elle a été partiellement impliquée dans ce mouvement, pour des raisons financières. Elle avait confié tout son argent à des banques allemandes de sorte qu'après la guerre, elle s'est retrouvée ruinée. Sa passion et son besoin de théâtre ont alors été utilisés par Mussolini pour faire d'elle une sorte d'emblème du mouvement de l'art fasciste, mais elle avait un rôle très marginal dans tout cela et n’y a jamais pris une part active. Elle avait aussi confiance en son art et en son amour pour le théâtre : elle était persuadée qu'ils seraient plus forts que le mal sous toutes ses formes. Elle avait tort, bien sûr.

Au départ, Gabriele d’Annunzio était contre Mussolini, et puis il a été pris de fascination et il a également été choisi pour représenter l’esthétique fasciste. Mussolini les couvrait d'argent, et ils le laissaient les traiter ainsi. Le film se termine juste après la Marche sur Rome d'octobre 1922, après quoi les pièces de d’Annunzio ont complètement disparu de toutes les scènes du monde.

Il y a une scène, dans le film, où Eleonora Duse et Sarah Bernhardt ont une conversation qui devient très haute en couleurs, comme on pourrait s'y attendre compte tenu de leurs fortes personnalités à toutes les deux, mais elle est aussi très poignante, car elles discutent de l’état de l'art et du monde à ce moment-là. Ce passage se fonde-t-il sur des faits réels, ou est-ce une invention ?
Il est très probable que cela se soit produit, car elles étaient toutes les deux des titans dans leur pays respectifs, mais évidemment, notre imagination a beaucoup participé à la création de cette scène. Elle a beau remonter à il y a cent ans, elle en dit long sur notre époque.

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, se passaient également au début du siècle dernier. Qu’est-ce qui vous attire dans la réalisation de films "en costumes" ?
Comme disait T. S. Eliot, "Temps présent et temps passé sont peut-être tous deux présents dans le temps futur, et le temps futur contenu dans le temps passé". Je suis fermement convaincu que ce lien existe, comme un miroir réfléchissant pour l’histoire de l’humanité. En ce moment même, nous sommes en 2025, mais d'une certaine manière, le monde est le même qu'après la Seconde Guerre mondiale en 1945, avec des gros changements bien sûr – et pas des changements positifs. Il est temps de se demander ce qu’on pourrait faire pour y remédier.

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(Traduit de l'anglais)

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