SAN SEBASTIAN 2025 Compétition
Alice Winocour et Louis Garrel • Réalisatrice de et acteur dans Coutures
“Le film parle en fait de cette connexion immédiate qu'on peut sentir avec quelqu'un qui vient d'un autre monde"
par Olivia Popp
- La cinéaste et l'acteur évoquent les motifs complexes tissés dans le film, en particulier la politique du corps, la sexualité et les liens humains qui naissent au-delà des différences

Après sa première mondiale à Toronto, Couture [+lire aussi :
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fiche film], qui évoque les destins entremêlés d’un groupe de femmes pendant la Fashion Week de Paris, arrive en fanfare au Festival de San Sebastian, en compétition. Lors d’une table ronde organisée au festival basque, la scénariste et réalisatrice Alice Winocour et l'acteur Louis Garrel (qui donne ici la réplique à une Angelina Jolie s'exprimant en français dans le rôle principal, celui de la réalisatrice Maxine Walker) nous en disent plus sur leur lecture des thèmes complexes abordés par le film, notamment la politique du corps, la sexualité et la manière dont peuvent se rencontrer des vies apparemment très différentes.
Winocour a commencé par replacer le film dans l’ensemble de son œuvre. “Je pense que tous mes films partent de choses très personnelles ou intimes que je projette sur des mondes lointains. J’essaie d’explorer ces mondes et de me les approprier. En l’espèce, c'est celui de la Fashion Week de Paris. J’entretiens aussi un rapport particulier avec le cancer, parce que je le connais très bien. L’idée était de mélanger ces deux mondes.”
La cinéaste est ensuite revenue sur l’origine du film, dont l'idée est née au sortir de l’hôpital en voyant une jeune Soudanaise perdue dans les rues de Paris. “Le film parle de cette connexion immédiate qu’on peut avoir avec quelqu’un qui vient d’un autre monde. C’est un film sur les femmes. C’est l’histoire d’une femme qui apprend qu’elle a le cancer, mais ce n’est pas un film sur le cancer. C’est l’histoire d’une femme qui vient d’un pays en guerre et se frotte à la dureté de la Fashion Week, mais ce n’est pas un film sur la mode.”
Le film compte deux personnages masculins principaux : Anton, le directeur de la photographie de Maxine, interprété par Garrel, et le médecin de Maxine, incarné par Vincent Lindon, que Winocour retrouve ainsi, plus de dix ans après Augustine [+lire aussi :
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fiche film] (2012). Garrel a souligné qu'il lui semblait important de faire exister son personnage à côté de celui de Jolie, pour donner une certaine énergie au parcours qu'elle accomplit.
“J’ai un ami dont la femme a eu un cancer du sein, et qui s'est occupé d’elle. Évidemment, pour les femmes qui vivent cela, leur sexualité est en forcément affectée. Elles se mettent à avoir peur de perdre leur pouvoir de séduction. Il était important que dans le film, le cancer ne soit pas associé à la peur de mourir, [mais à autre chose]. Alice et moi avons discuté de la sensualité qu'il devait y avoir entre le personnage d’Angelina et le mien. Cette peur de la mort peut aussi être très stimulante et érotique.”
Winocour est intervenue pour expliquer pourquoi elle voulait Garrel pour ce rôle. “Il était aussi fondamental que Louis ait une présence très physique et presque animale. C’est ce que j’aime filmer, chez les personnages masculins : la fragilité sous la surface. Son personnage est beaucoup plus taiseux que les personnages qu'on est habitués à voir Louis jouer dans les films français.”
La réalisatrice a fait pour ce film des recherches sur les coulisses dans le monde de la mode, un peu comme elle l'avait fait sur l’univers des astronautes pour Proxima [+lire aussi :
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interview : Alice Winocour
fiche film]. “Je voulais voir derrière les images parfaites et les corps parfaits, derrière la glorification des corps féminins. Quel est le vrai corps d’une femme?"
“Les corps traumatisés et post-traumatisés occupent une place très importante dans mon travail. Les transformations et mutations du corps féminin m’intéressent aussi. Proxima parlait d’une astronaute en train de muter pour aller dans l’espace et mon premier film, Augustine, se penchait sur l’hystérie et le cas d'une héroïne qui est comme spectatrice de la rébellion de son propre corps. Couture parle du corps féminin, car tous les personnages sont comme la même femme à 20, 30 et 40 ans. Pour moi, elles sont la même. Il y a des parts de moi dans chacune d’elles, mais ce que je voulais montrer [dans le corps d’Angelina], c’est cette histoire intime qui se joue dans le corps d’une icône, voir la fragilité et la vulnérabilité derrière la puissance de ce corps iconique.”
Garrel a conclu en saluant la présence de Jolie dans le film : la double mastectomie préventive qu'elle a elle-même subie a dessiné des cicatrices de points de suture qui collaient bien avec la mosaïque cinématographique que propose Couture. “Angelina est comme une reine, a dit l'acteur. Vraiment, une reine. Mais derrière cette image, il y a une punk. Angelina est complètement punk et s’est beaucoup investie dans ce film, jusqu’à montrer son corps, etc., parce qu’elle est punk et se fiche des conventions. Un corps imparfait peut être très intéressant.”
(Traduit de l'anglais)
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