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BLACK NIGHTS 2025 Critics’ Picks

Laurent Micheli • Réalisateur de Nino dans la nuit

"J’aime le contraste entre le côté presque documentaire social, et le lyrisme fictionnel"

par 

- Rencontre avec le réalisateur belge, qui revient une nouvelle fois avec un récit tourné vers la jeunesse

Laurent Micheli • Réalisateur de Nino dans la nuit
(© Mia Tohver/PÔFF)

Laurent Micheli a présenté dans la section Critics’ Picks du Festival Black Nights de Tallinn son troisième long métrage, Nino dans la nuit [+lire aussi :
critique
interview : Laurent Micheli
fiche film
]
, adapté du roman éponyme de Capucine Azaviele et Simon Johannin.

Cineuropa : Quel effet a eu sur vous la découverte du roman ?
Laurent Micheli :
J’ai été très sensible à ces personnages écorchés, qui cherchent leur place dans le monde, c’est un peu l’une de mes obsessions. Par ailleurs, j’aimais le fait que le style apporte une sorte de hauteur, un lyrisme qui évite tout misérabilisme. Et je trouvais qu’il y avait quelque chose de très cinématographique dans l’écriture du roman. J’ai trouvé qu’il y avait une manière assez inédite de décrire la jeunesse, avec une véracité et une brutalité, mais aussi beaucoup de tendresse, et parfois d’humour, comme une échappatoire. C’est quelque chose qui a fait écho en moi, car cette jeunesse, j’avais déjà l’impression de la côtoyer, notamment dans les milieux queer. J’y ai vu un vrai ancrage sociologique, avec une dimension politique forte, mais qui intégrait totalement la puissance de la fiction. J’aimais bien le contraste entre ce côté presque documentaire social, et le lyrisme fictionnel. C’est vraiment quelque chose que j’ai essayé de retrouver dans le film en tant que cinéaste, cela me permettait d’explorer beaucoup de choses en termes de mise-en-scène.

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Qui est Nino, le héros du film, que vous inscrivez dans un collectif, celui de sa bande d’amis ?
Pour moi, sa bande d’amis, et plus largement le collectif est une réponse face à la violence du monde. C’est peut-être un peu naïf, mais je pense qu’ensemble, on trouve de la force. Quant à Nino, il est toujours sur le fil. Cela m’intéressait d’imaginer un personnage qui n’est pas toujours s très aimable, dont on questionne les motivations. C’est une prise de risque que j’aime bien au cinéma.

Les autres sont sa richesse face à cette précarité, il fallait encore trouver le moyen de montrer cette précarité.
Je ne voulais pas romantiser cette précarité, et ça a demandé beaucoup de travail à l’écriture, mais aussi dans la direction artistique, que ce soit la façon dont on a pensé les décors, les costumes, les coiffures. Aujourd’hui, on croise souvent des jeunes qui ne portent pas les stigmates de leur pauvreté, que l’on ne devine pas, qui pourtant, vivent d’expédients, de larcins, de petits délits. Et en même temps, je ne voulais pas que mes personnages soient enfermés, uniquement définis par ça. Il ne devait pas y avoir l’impression d’un déterminisme insurmontable.

Nino est un personnage en quête sans le savoir, il va découvrir l’objet de cette quête au bout du récit.
Cela correspond à un moment de la vie qui me touche beaucoup, quand on n’est plus adolescent, mais pas encore vraiment adulte. Surtout quand on n’a pas toutes les cartes en main, que l’on manque d’un soutien familial, que l’on n’a pas les codes. C’est une zone grise de l’existence, que j’avais envie de montrer, tout en disant aussi qu’il peut y avoir de la lumière, au bout du tunnel. Nino se perd, beaucoup, mais il va renaître, s’élever en refusant une sorte de pacte faustien.

L’art devient pour lui un exutoire. Comment avez-vous pensé la place que la poésie prendrait pour lui et pour le spectateur ?
Ça passe notamment par une voix off, qui nous a demandé beaucoup de travail, mais dont nous sentions qu’elle serait un outil précieux pour créer un film lyrique, baroque, contrasté. C’était une liberté formelle que nous avions envie de nous offrir, sans pour autant qu’elle soit gratuite, il fallait lui trouver un ancrage, et la poésie lui a donné ça. Cette idée un peu classique de mise-en-scène s’incarne peu à peu dans le récit. Et puis elle pose aussi la question de ce qu’on est prêt à faire pour son art, est-ce qu’on est prêt à se dévoyer, à résister, qu’est-ce qu’on est prêt à lâcher. Forcément, ça me parle.

La voix off n’est qu’une des libertés formelles que se permet le récit, qui multiplie notamment les filtres, les angles.
On a beaucoup cherché avec mon chef opérateur Florian Berruti des chemins cinéma qui puissent égaler le lyrisme que j’avais aimé dans le roman. On voulait que le spectateur plonge en immersion dans l’histoire en partageant des sensations très fortes. Les personnages refusent le conformisme d’une société capitaliste qui les écrase. Nous, on a apporté beaucoup de couleurs au récit, des filtres parfois, des courtes focales aussi qui permettent d’être très proche des personnages, qui crée parfois une impression déréalisante.

Une perte de repères constitutive de la nuit, que l’on retrouve dans le titre.
Oui, la nuit est plurielle, c’est un moment où les choses peuvent s’apaiser, où l’on est débarrassé des jeux de rôles que la société nous impose. Mais c’est aussi un moment où peuvent ressortir les angoisses. La nuit, la fête, ça peut être libérateur, le lieu des possibles, mais aussi de la perdition. Il n’était pas question de l’idéaliser, mais on pouvait y tordre un peu le réel.

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