Mohamed Siam • Réalisateur de My Father’s Scent
“Je voulais rendre ce moment où l'enfant ne voit plus son parent comme une figure de l'autorité, mais un être humain complexe et vulnérable"
par Valerio Caruso
- Le réalisateur égyptien nous parle de son film, sur un échange intime et brut entre deux personnages principaux totalement dépassé

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bande-annonce
interview : Mohamed Siam
fiche film] de Mohamed Siam, une œuvre d'une grande résonance émotionnelle qui baigne dans les souvenirs, a beaucoup circulé dans les festivals et récolté de louanges, en Europe et dans le monde arabe. Selon les jurés du Prix Cineuropa (Pilar Campos, Patricio Jeretic et Maroussia Picq) qui ont récompensé le film à la dernière édition du festival Cinemamed de Bruxelles, où il a également remporté le Grand Prix (lire l'article), le film parvient à "rendre de manière authentique, avec tendresse et humour, un échange intime et brut entre deux personnages à bout”. Siam revient sur les origines de ce récit intime commente pour nous son approche stylistique, ainsi que ce que signifie pour lui la reconnaissance internationale qu'est en train de gagner le film.
Cineuropa : Qu’est-ce qui vous a inspiré cette histoire ?
Mohamed Siam : L’idée de My Father’s Scent m'est venue après le décès de mon père, quand j'étais très jeune. La seule chose que j’ai trouvée parmi ses affaires, c'est un flacon d’eau de Cologne vide. En le reniflant, j’ai eu l’impression d’ouvrir une porte vers le souvenir. C'est à partir de ce moment simple et intime que l’idée du film est née. Le récit s'est développé à partir de mes propres souvenirs, façonné à partir des traces que laissent nos proches. My Father’s Scent est né d’une exploration de la mémoire, de l’absence et du fil fragile qui relie pères et fils. Je voulais saisir ce moment universel où un enfant commence à voir son parent non plus comme une figure d’autorité, mais comme un être humain complexe et vulnérable.
Votre abordez ici le travail de mise en scène d'une manière très particulière. Comment avez-vous travaillé le style du film et géré les contraintes liées à la production ?
Mon approche consistait à ancrer le film dans un seul lieu, du moins à donner l’impression que tout se déroule dans un même espace familier. Je voulais que le public s’attache à chaque décor, à chaque coin de rue et, bien sûr, à la voiture, pour ressentir cette intimité et cette familiarité au gré des méandres du récit.
Mon intention stylistique était de conserver une caméra principalement fixe, pour laisser la distance émotionnelle entre le père et le fils parler d’elle-même. Le mouvement n’intervient que quand la caméra avance ou recule dans le couloir qui sépare physiquement, et symboliquement, leurs deux mondes et leurs chambres. Le plus gros défi à relever a été de boucler le tournage en deux semaines seulement, de travailler avec des contraintes de temps et de budget, mais ces contraintes ont aussi permis de faire un film bien concentré sur son sujet, avec une énergie plus forte encore.
Que signifie pour vous la reconnaissance internationale que vous êtes en train de recevoir, à ce stade du parcours du film ?
Nous avons eu beaucoup de chance au niveau de l’accueil qui nous a été fait : nous avons décroché un prix à El Gouna, deux à Cinemamed et celui de la meilleure contribution artistique au Festival international du film de Fajr, le tout en moins d’un mois. Jusqu’ici, toutes les séances, en Europe comme dans le monde arabe, ont eu lieu à guichets fermés. Cela dit, pour moi, le succès ne se mesure pas en chiffres : il tient à ce qu'il reste du film après, dans l'esprit du spectateur. Si quelqu’un repart et pense au film le lendemain, ou en fredonne la musique, ou confie à un proche qu'il l'a touché, alors le film a accompli ce que j’espérais : ça veut dire qu'il aura constitué une expérience qui ne fait pas que vous traverser, mais qui laisse aussi une trace.
Recevoir deux prix à Cinemamed montre bien que nos histoires locales régionales peuvent résonner au-delà des frontières, que le cinéma peut encore être à la fois personnel et universel. J’espère que dans My Father’s Scent, le public reconnaîtra sa propre famille, ses deuils et ses réconciliations.
(Traduit de l'anglais)
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