LES ARCS 2025 Industry Village
Bogdan Mirică • Réalisateur de One Hand Jesus
"Je voulais combiner ce traumatisme national avec l'histoire personnelle de mon grand-père"
par Fabien Lemercier
- Le cinéaste roumain parle de son nouveau projet qui a remporté le Prix Eurimages au développement de la coproduction au 17e Les Arcs Film Festival

Révélé à Cannes en 2016 où il avait remporté le prix FIPRESCI Un Certain Regard avec Dogs [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Bogdan Mirica
fiche film], le Roumain Bogdan Mirică qui a aussi signé entre autres la série Shadows pour HBO, délivre quelques détails sur son projet One Hand Jesus (dont il a écrit le scénario et qui est accompagné en production par ses compatriotes Ioana Lascăr et Radu Stancu pour deFilm), récompensé par le prix Eurimages au Village des Coproductions du 17e Les Arcs Film Festival (lire la news).
Cineuropa : De quoi parle One Hand Jesus ?
Bogdan Mirică : C'est l'histoire de deux générations, un petit-fils et son grand-père sénile, ancien prêtre, qui se lancent à la recherche d'un tueur en série présumé. Le grand-père prétend connaître ce tueur qui vivrait dans les montagnes et ils partent alors dans une sorte de quête à la Don Quichotte pour le retrouver. L'histoire se déroule à la fin des années 90, car elle s'inspire de ma vie, de ma famille et de mon grand-père qui a développé la maladie d'Alzheimer quand j'avais 15 ans. Je voulais donc être aussi honnête que possible et rester fidèle aux événements réels. Le cadre sera le nord-ouest de la Roumanie, en Moldavie, à la frontière ukrainienne, une région essentiellement constituée de collines et de montagnes parsemées de villages très dispersés. Mais il y a aussi de très grands espaces inhabités. C'est donc un espace assez sauvage et brut.
L’affaire criminelle en question a-t-elle été inspirée par la réalité ?
Oui. Elle s'est produite il y a deux ans. Il s'agissait d'un vieil homme qui kidnappait des jeunes filles, des auto-stoppeuses. En Roumanie, cela a provoqué un énorme scandale et un grand traumatisme national à cause de la façon dont les autorités ont géré la situation : elles ont été très incompétentes, très stupides et assez cyniques. Cela m'a montré, et cela nous a montré, à nous, la société civile, que le système est défaillant, que les gens sont défaillants et que la plupart d'entre eux semblent manquer de fibre morale. Je voulais combiner ce traumatisme national avec l'histoire personnelle de mon grand-père, car lorsque ce dernier était prêtre dans son village, il était un peu un justicier. Chaque fois que quelqu'un avait un problème, on allait le voir pour qu'il le résolve. Alors, évidemment, quand j'ai lu l'histoire de ces filles, je me suis demandé ce que mon grand-père aurait fait s'il s'était trouvé dans cette situation, s'il aurait pris la loi entre ses mains. Donc, j'ai pris deux événements majeurs, séparés par 30 ans, et je les ai mis en parallèle.
Le mélange de genres semble beaucoup vous attirer ?
Je suis un grand fan de cinéma de genre, c’est vrai. Mais ce qui m'a poussé à combiner ces deux idées, c'est le sentiment que j'ai éprouvé en lisant l'histoire de ces filles. J'ai eu l'impression qu'en Roumanie, en tant qu'individu, surtout si vous appartenez à une certaine classe sociale, personne n’est là pour vous soutenir, pour parler en votre nom, pour vous défendre, etc. Cela m'a mis très en colère, et bien sûr, quand on se sent aussi frustré par une situation, on commence à se demander ce qu'on ferait à leur place. A partir de là, je me suis souvenu de mon grand-père et de son attitude face à ce genre d'injustices sociales. C'était donc très facile à relier, car on a l'impression qu'il y a un grand vide en termes d'autorité. Or mon grand-père avait beaucoup d'autorité à l’échelle d’une petite communauté. Parfois, j'aimerais qu'il y ait plus de gens comme lui, quelqu'un qui soit le shérif ou le parrain. Dans ce cas précis, c'est bien sûr davantage une question de justice poétique que de justice légale. Car ce que font les personnages n'est pas nécessairement légal. Mais quand personne n'agit, quand personne ne réagit, je pense que c'est le mieux qu'on puisse faire.
Quand envisagez-vous de tourner ?
Dans deux ans, car l'année, je vais tourner un autre long métrage qui raconte l'histoire d'un cinéaste cherchant à trouver sa personnalité et à échapper à l'ombre de son père qui est le meilleur acteur ayant jamais existé. J’espère tourner One Hand Jesus en 2027.
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