15/02/2010

Dans la coproduction germano-hongroise Head Cold, présentée à Berlin dans la section Forum, l'Allemande d'origine hongroise Gamma Bak se livre à une expérience unique : filmer, sur près de vingt ans, une auto-anatomie de sa psychose. Ce premier long métrage, qui est donc l'oeuvre d'une vie, est en effet une véritable mise à nu – au sens littéral d'ailleurs, dans un des interludes plus contemplatifs qui sont des fenêtres sur sa subjectivité.

Par le biais d'auto-interviews et de témoignages de ses proches, Bak relate de manière méthodique (bien que le film alterne entre des images filmées à différents moments entre 1992 et 2009) ses crises récurrentes, sa perception des effets de la lourde médication prescrite et surtout, la peur constante de rechuter qui fait qu'elle n'arrive plus à faire la différence entre ce qui est un comportement normal ou pas et qu'elle craint constamment, à chaque émotion ressentie, que celle-ci ne soit le fait de sa maladie.

Ainsi, la réussite du film n'est pas d'ordre thérapeutique, le besoin de documenter lui-même pouvant aisément s'analyser comme une manifestation de la psychose. Sa qualité est de décrire très précisément la perte de contact avec la réalité du sujet psychotique, en plus de rendre compte du fait qu'aucune guérison n'est réellement envisageable, chose difficile à comprendre pour le non-psychotique convaincu que la volonté seule peut suffire à contrôler ses émotions.

Le film fait également le terrible constat que telle maladie mentale brouille d'autant plus la perception que le sujet a de sa propre identité qu'elle vole plusieurs années de sa vie et empêche donc l'identité de se construire autour d'objectifs normaux comme de fonder une famille. Bak observe toutefois, après un séjour aux États-Unis, qu'il est possible d'avoir une vision plus normalisée des troubles mentaux.