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EVENEMENTS France / Pay Med

Coproduire en Méditerranée : une table ronde au 33e Cinemed de Montpellier

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Comment sont coproduits les films en Méditerranée, quels sont les financements et les bailleurs de fonds institutionnels et privés et encore quelles sont les contraintes juridiques ou artistiques liées à la coproduction ? Ce ne sont là qu’une partie des thèmes abordés lors de la table ronde organisé par le festival du cinéma méditerranéen de Montpellier, en collaboration avec le Programme Euromed Audiovisuel de l'Union Européenne, le 25 octobre 2011. Un constat tout d’abord de Valerio Caruso qui gère l'unité de suivi et de monitoring de ce programme : les diffuseurs montrent un intérêt croissant pour les coproductions dans la zone euro-méditerranéenne et Euromed Audiovisuel, qui entre dans sa 3e phase avec un budget de 11 M €, poursuit son objectif de développement du secteur cinématographique et audiovisuel dans les pays du sud de la Méditerranée et notamment en Algérie, Égypte, Jordanie, Israël, Liban, Maroc, Syrie, Palestine et Tunisie. Le transfert de connaissances et de bonnes pratiques est un point important de ce programme : le juriste tunisien Mehdi Ahmadi présentait ainsi la dernière action mise en place, une base de données juridique accessible en ligne (www.euromedaudiovisuel.net) qui recense entre autres les diverses législations, les aides à l’industrie cinématographique, les lieux de tournage possibles et autres informations logistiques dans 10 pays de la Méditerranée, notamment en matière de production, droit d’auteur, autorisations de tournage, etc. Cette base est tout autant destinée aux professionnels qui travaillent au Nord sur des coproductions avec le Sud qu’à ceux qui se lancent dans une production Sud-Sud.

Thomas Sonsino, responsable des commissions d'aide à la production au Centre national du cinéma (CNC, France) a fait, quant à lui, un point rapide sur les divers mécanismes d’aide – aide automatique, avance sur recettes… – et sur le Fonds Sud, cogéré par le ministère des Affaires étrangères et le CNC. Ce fonds intervient sur une moyenne de 25 films en provenance d’Afrique, du Moyen-Orient, d’Europe orientale, Amérique latine et Asie avec une aide d’environ 110 000 € par film. Il devrait être remplacé en 2012 par un autre dispositif, l’Aide aux films du monde, doté de moyens supérieurs (6 M €). Plus récemment le CNC a mis en place une aide aux films en langue étrangère, destinée aux films non éligibles au Fonds Sud ou à l'avance sur recettes pour des raisons linguistiques.

La complexité et la diversité des mécanismes d’aides françaises et européennes, publiques et privés, échappent en général aux jeunes réalisateurs et producteurs, encore plus à ceux qui travaillent dans les pays de la rive sud de la Méditerranée… Les coproductions internationales permettent de renforcer les financements de certains films fragiles grâce à l’accès aux aides des pays dans lesquels sont installées les sociétés de production coproductrices. Elles sont ainsi montées surtout avec des pays qui ont mis en place des mécanismes attractifs de soutien à la production (fonds régionaux et nationaux, systèmes de défiscalisation tels que les Sofica). Ces aides s'accompagnent le plus souvent d'obligation de délocaliser la fabrication des films et notamment la post-production, par exemple pour le Fonds Sud.

La productrice Yael Fogiel a ainsi expliqué le laborieux montage financier du film de Hadar Friedlich Les jardins d’Hanna – cela lui a pris 5 ans – dans un cadre bilatéral Israël/France (la nationalité française lui permettant l’accès aux quotas de films européens) mais avec un projet initié dans un pays du Sud et un premier financement en Israël, suivi d’aides françaises, dont la Fondation Gan, et de prix à divers festivals. Marie Gutman, productrice à Méroé films, a raconté son expérience de production du film Man without a cell phone du cinéaste palestinien Sameh Zoabi, une comédie tragi-comique qui a remporté l’Antigone d’or à ce 33e Cinémed de Montpellier. C’est une coproduction France/Palestine/Belgique/Israël qui n’avait pas pu obtenir au départ l’agrément au Fonds Sud, le cinéaste étant un Arabe israélien (Israël n’est pas un pays éligible). Finalement l’aide a été accordée ainsi que celle de la Fondation Gan et du Rabinovich Film Fund, des « Tax shelter » belges, du Dubai film council et du Doha Film Institute. « Le budget du film s’est élevé à d’1 M € mais le financement le plus important venait du bloc franco-belge. Le rôle du producteur est essentiel pour une coproduction entre 4 pays, chacun avec ses règles, et pour l’organisation des équipes qui étaient palestiniennes, israéliennes, françaises ! », terminait Marie Gutman.

Deux interventions du côté des films commissions jordanienne et marocaine permettent de tracer les figures contrastées de la partie Sud des dispositifs.

Deema Azar de la Royal Film Commission de Jordanie, a présenté les missions de cette institution : soutien à la production locale, promotion de la culture cinématographique, formation aux métiers du cinéma, et expliqué les différents dispositifs d’aide à la production et à la coproduction avec la Jordanie. Le projet d'écriture «Rawi Screenwriters' Lab» s’adresse aux scénaristes arabes tandis que le projet «Med Film Factory», financé par le Programme Euromed Audiovisuel, encourage la coproduction régionale. Quant aux aides financières directes, elles sont assurées par le Jordan Film Found qui vise le développement de la production locale avec un soutien d’environ 50 000 € par film et, au passage, la création d’emplois sur le territoire. Petit point noir dans ce pays : la production de films est quasiment inexistante et les quelques productions des années 1950 dorment quelques part dans des archives nationales…Aucun projet de conservation et valorisation du patrimoine national n’est pour l’instant mis en place mais visiblement la Jordanie veut aller de l’avant.

Quant au Maroc, le constat d’Abdessadek El Alem, secrétaire général de la Fondation du Grand Ouarzazate pour le développement durable est à la fois optimiste et alarmant : la seule Ouarzazate a accueilli ces cinq dernières années 140 tournages, surtout des productions américaines, pour un investissement de 250 M €… mais dans le pays les salles de cinéma sont passées de 300 à moins de 200 bien qu’un projet du Centre du cinéma marocain prévoit la création de salles de quartier, y compris à Ouarzazate. Car les productions ou les coproductions ne peuvent pas se passer de la destination principale du film : la salle de cinéma.

Pas le temps d’aborder plus longuement le sujet sensible de la diffusion des films du Sud, d’où l’importance d’outils permanents d’information et de suivi sur le cinéma en Méditerranée… Mais une conclusion logique de Valerio Caruso, qui cite Guédiguian : « Aller au cinéma est un acte de résistance. »

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