email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

BERLINALE 2013 Panorama Special / France

Mes séances de luttes : le diable au corps

par 

- Jacques Doillon prend le public de la Berlinale aux tripes avec un Dernier Tango d'une rare intimité

On reconnaît parfois les grands cinéastes à ce qu'ils vous demandent de les suivre patiemment, avec à l'horizon la promesse d'être récompensés au centuple. De même, le long dialogue entre les deux protagonistes de la pièce de chambre qu'est le film Mes séances de lutte [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
de Jacques Doillon, Elle (Sara Forestier) et Lui (James Thiérrée), commence sur une suggestion impossible à oublier : une possibilité sexuelle entre eux, un "et si on..." qui insidieusement fait son chemin jusqu'à ce qu'il n'y ait plus pour eux que cela.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)
Hot docs EFP inside

Le premier effet de cette suggestion est d'abattre entre eux toute pudeur, comme cela peut arriver quand deux personnes se sont déjà vues nues. Elle surtout est à vif : son père vient de mourir sans même lui laisser le piano qu'il lui avait promis, fourrageant par cette dernière omission dégueulasse dans la blessure profonde de la fille qui a l'impression de n'avoir pas compté, de ne pas exister. Lui qui habite à côté de la maison familiale, au beau milieu d'une campagne ensoleillée où le temps semble suspendu, en vacances, lui ouvre donc sans discuter sa porte pour entendre son cri primal et essuyer la violence cathartique d'émotions qu'elle déverse sur lui sans se freiner. Ils parlent de sa famille à Elle, de photographie, ils se griffent, se serrent, et parlent encore : ils luttent. Ils se détestent et se font mal et se font confiance, ils mettent tout à nu, et plus rien n'existe en dehors des séances de thérapie qu'ils s'offrent l'un à l'autre sans se poser de question, de ces moments sans espace ni durée définie dont ils ne peuvent plus se passer. Tous les jours elle revient, et il est là qui l'attend.

Ils auraient pu coucher ensemble il y a longtemps, mais ils ne l'ont pas fait, peut-être parce qu'ils ressentaient déjà quelque chose l'un pour l'autre, peut-être parce qu'un assouvissement hâtif aurait englouti le lien instinctif entre eux. Le coeur, "c'est du muscle", dit-Elle, alors si c'est vraiment l'amour qu'ils veulent faire, celui qui effacera tout ce qu'ils ont connu avant, il faut continuer l'entraînement. Sans ce long tango préliminaire impétueux et farouche où les corps petit à petit dénudés se tordent et se ploient et feignent de céder pour revenir à la charge, l'abandon ne serait pas complet, et les sentiments et le désir à la fois parfaitement comblés et toujours insatiables, avides, voraces.

De même, Doillon devait accompagner le spectateur de séance en séance pour réussir une telle gageure : offrir aux spectateurs, grâce à aux performances extraordinaires de ses deux acteurs (qui ont manifestement, eux aussi, dû lui faire beaucoup confiance pour accepter l'expérience), la représentation la plus absolue qui soit de l'apothéose amoureuse. On pouvait d'ailleurs deviner à Berlin, en sortant de la projection, le noeud étrange que son film a laissé au ventre de chaque spectateur.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy