email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

VILNIUS 2024

Critique : My Freedom

par 

- Dans son premier long-métrage, un film historique bien mené, Ilze Kunga-Melgaile montre une figure clef du combat pour l'indépendance lettone face à la duplicité de son époque

Critique : My Freedom
Erika Eglija-Gravele dans My Freedom

La vie de Ita Kozakevica, figure politique incontournable de la lutte pour l'indépendance de la Lettonie dans les années 1980, au cours des dernières années du régime soviétique, a inspiré My Freedom, le premier film de la Lettone Ilze Kunga-Melgaile. Alors que la petite nation balte retrouve son indépendance, Kozakevica, journaliste et traductrice d'origine polonaise, s'engage dans le militantisme et finit par devenir membre du parlement de transition de la Lettonie avant de mourir prématurément en 1990 à l'âge de 35 ans, victime de noyade. Ce drame historique, présenté en avant-première au Festival international du film de Vilnius (Kino Pavasaris), évoque la frontière ténue entre le politique et le privé dans une atmosphère paranoïaque faite d'allégeances clandestines et de surveillance policière secrète, à travers l'histoire d'Alicija (Erika Eglija-Gravele). Les activités de cette dernière au sein du Front populaire letton, une organisation d'opposition, ont mis son mariage à rude épreuve (le changement de nom permet de toute évidence d’en faire une fiction).

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

C’est en sauvegardant la culture et la langue de toutes les ethnies de Lettonie et en rétablissant les écoles en langue maternelle que le mouvement d’indépendance, ainsi que d’autres luttes similaires en cours dans les autres états baltes de Lituanie et d’Estonie, a cherché à reprendre le contrôle sur les prises de décision des fonctionnaires du parti et à résister aux politiques de russification de l'Union soviétique.

Les meetings politiques et les longues soirées que les insurgés passaient à fumer, boire et chanter et qui leur permettaient d’évacuer la pression offrent quelques moments animés au milieu des manœuvres et des stratégies verbeuses. Mais le véritable drame réside dans le triangle que forment Alicija, Ilgvars (Darius Meskauskas), son universitaire de mari et Normunds (Girits Gravelis) son camarade de campagne, qui l’aime en secret. Ilgvars se méfie des dommages potentiels et des dangers que le travail de sa femme, son obstination et son engagement représentent. Et les enjeux augmentent lorsqu’elle reçoit un message anonyme dactylographié accusant son mari d’être un "agent à la botte du KGB". Les questions sur le passé d'Ilgvar, notamment comment ce dernier a pu se rendre aux États-Unis et les mystères entourant sa relation avec son père, nourrissent une certaine méfiance entre eux. Leurs problèmes conjugaux empirent lorsqu'elle entre en campagne électorale avec Normunds, dont les intentions et l'honnêteté sont remises en cause.

Pour ce drame historique plutôt académique, le réalisateur a choisi des bruns sombres et oppressants afin d’évoquer la période. Le film est porté par le jeu des acteurs principaux et par le scénario tout en nuance et en intelligence d’Inga Rozentale et Anna Kalnina. Ce dernier respecte l'intégrité de l'idéalisme, mais un esprit empreint de sarcasme et de frivolité le traverse, empêchant tout triomphalisme sucré ou sentimentalité. Le film reconnaissait le bilan maussade d'une époque où naviguer sans un certain degré de compromis moral était presque impossible. Ce faisant, il permet finalement la beauté et la notion de survie dans les zones morales obscures et troubles de la condition humaine et des relations romantiques. Il suggère que comprendre les échecs et les faiblesses des autres était essentiel, alors que la Lettonie nouvellement indépendante devait reconstruire une cohésion interne après les décennies dévastatrices de la répression soviétique, lorsqu'une dénonciation d'un informateur secret pouvait mener un innocent dans un camp de travail, et que des années de désordre et de difficultés avaient altéré la confiance dans le système, voire dans ses proches. Dans ce climat finement observé, le courage et la foi d'Alicijia dans sa cause apparaissent d'autant plus remarquables.

My Freedom est une coproduction de Tasse Film (Lettonie) et de M-Films (Lituanie).

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'anglais par Karine Breysse)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy