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Critique : Capitaine Morten et la reine des araignées
par Vladan Petković
- Ce film d'animation en stop motion, réalisé par deux Estoniens et un Irlandais, a fait son avant-première mondiale au Festival Animafest Zagreb
Après trois ans de production, Capitaine Morten et la reine des araignées [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film] de l'Estonien Kaspar Jancis, co-réalisé avec son compatriote Riho Unt et l'Irlandais Henry Nicholson, a fait son avant-première mondiale à Animafest Zagreb, dans la compétition centrale, réservée aux longs-métrages. Ce film de marionnettes, développé chez Nukufilm à Tallinn, le plus vieux studio de stop motion, est animé de manière très fluide et bénéficie de la participation, pour les voix, d'une belle troupe d'acteurs comprenant Ciaran Hinds, Brendan Gleeson et Michael McElhatton.
Morten, le fils de 10 ans d'un capitaine de navire qui est constamment dans "les mers du sud", se voit confier à la garde d’Annabelle et Felix, qui tiennent un café et qui ont une fille, Eliza. Annabelle, ancienne danseuse classique, est une matriarche stricte et dominatrice qui tient son foyer avec une poigne de fer (littéralement : elle a une main mécanique).
Morten passe ses journées à attendre le retour de son père et à rêver de devenir lui-même marin. Il imagine même une maquette de bateau qu'il construit dans une chaussure et peuple d’insectes auxquels il essaie d’enseigner les principes de la navigation, dans un aquarium qui se trouve au café. Son père ne revient que pour repartir tout de suite, devant encore de l’argent à Annabelle.
La petite ville irlandaise où vit tout ce beau monde est riche en personnages hauts en couleurs, notamment deux marins identiques qui semble toujours ivres (à la limonade) et un collectionneur de papillon qui conspire avec Annabelle dans une chasse au trésor dont le but est de retrouver le butin de pirates.
Quand la ville reçoit la visite d’un cafard italien avec un pistolet à brume magique, un mauvais fonctionnement du dispositif réduit Martin à la taille d’un insecte, et il se retrouve lui-même à bord de son navire-chaussures. L'équipage des insectes, qui lui rappelle étrangement ses compagnons dans la vraie vie, est mené, de fait, par Annabelle la reine des araignées.
Le travail d'animation est magnifique, et le design du film très bien pensé et très attrayant (tous les décors ont été créés à la main, comme les marionnettes), mais le nombre impressionnant de personnages empêche le spectateur de s’attacher davantage à Morten, de même que certaines incohérences dans la motivation des personnages (en particulier autour de l'histoire de chasse au trésor, qui entre et sort trop souvent du champ de l'intrigue).
Cela dit, le scénario composé par Jancis trace aussi des liens intelligents qui compensent cet écart entre réalité et imagination – comme la valve que Martin vole dans une canalisation pour faire un volant pour son bateau-chaussure, qui va causer une inondation dans le café et permettre à mini-Morten de naviguer partout.
La qualité de l’animation et les comédiens qui font les voix font malgré tout de Capitaine Morten et la reine des araignées une oeuvre rare en son genre en Europe, que les distributeurs devraient accueillir chaleureusement, même si les tout jeunes spectateurs pourraient avoir des questions compliquées à poser à leur parents sur la logique bancale du film – ou pas, auquel cas on pourra dire que Jancis a bel et bien triomphé.
Capitaine Morten et la reine des araignées a réuni les efforts de Nukufilm (Estonie), Telegael (Irlande), Grid VFX (Belgique) et Calon (Royaume-Uni). Les ventes internationales du film sont gérées par l'enseigne allemande Sola Media.
(Traduit de l'anglais)