email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

BERLINALE 2024 Forum

Critique : The Editorial Office

par 

- BERLINALE 2024 : Roman Bondarchuk retourne à l'extrême sud de son Ukraine natale et compose une réflexion, souvent excentrique mais découlant d'une observation attentive, sur les médias locaux

Critique : The Editorial Office
Dmytro Bahnenko dans The Editorial Office

Il parcourt les steppes sablonneuses, d'où pointe occasionnellement la tache verte d'un pin noueux : Yura (Dmytro Bahnenko), jeune employé d'un musée, cherche des espèces menacées. Des marmottes pourraient sauver la zone d'une réaffectation économique et permettre son intégration dans la ceinture verte européenne, mais au lieu de trouver des petits animaux à poils, Yura et son collègue Mykhailo (Oleksandr Shmal) voient quelque chose de très différent : deux pyromanes sont en train de mettre le feu aux arbres, et ce pourrait être la cause des feux de forêt en cours. Yura arrive à prendre des photos. La prochaine étape serait de les soumettre aux autorités.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Sauf que le monde à travers lequel ce jeune chercheur évolue est extrêmement différent, hélas. La corruption, la manipulation et l’enrichissement sont la norme qui domine la société, dans The Editorial Office [+lire aussi :
interview : Roman Bondarchuk
fiche film
]
, qui a fait sa première mondiale dans la section Forum de la 74e Berlinale. Son réalisateur, Roman Bondarchuk, connaît bien le sud de l’Ukraine. Non seulement y a-t-il tourné son premier long-métrage, le film encensé Volcano [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Roman Bondarchuk
fiche film
]
(2018), mais lui-même vient de "ce no man’s land entre la Crimée et l'Ukraine continentale".

Ayant grandi dans une famille de journalistes, et donc dans la réalité absurde de leur travail, il voulait consacrer son deuxième long-métrage à l'information. De son côté, Dmytro Bahnenko est initialement un journaliste qui a couvert l’occupation par la Russie. Le parcours du combattant de Yura pour faire publier ses photos n'est donc pas juste l'invention d’un esprit extravagant : il est inspiré de faits réels. Après la disparition de Mykhailo, comme le musée n'a que faire des incendies, il amène les preuves qu'il a recueillies à un journal local.

L’éditeur offre à Yura un poste. Si ce dernier ne se voit pas comme un journaliste, son refus tenace de voir les choses passées sous silence et enterrées lui à coûté son emploi au musée et entraîné une fouille de son domicile, qu’il partage avec sa mère (Rymma Ziubina), obsédée par le Bitcoin. Mais même là, la vérité est dans l’œil de celui qui regarde. Des élections municipales sont en cours, l’histoire de Yura est sans cesse décalée, et les missions qu'on lui confie consistent à promouvoir sur les réseaux sociaux des deepfakes des candidats au poste de maire en train de danser, à inventer des histoires de suicide, à écrire sur un faux pipeline ou à faire chanter des figures des autorités locales avec d'autres collègues (notamment un incarné par l’acteur principal de Volcano, erhiy Stepansky). "Personne n'en a rien à foutre des faits" : voilà le mantra. Seules comptent les ventes, et apaiser les personnes au pouvoir.

Pour Bondarchuk, le problème des pyromanes va plus loin que les arbres incendiés, bien sûr. Le symbolisme du conflit russo-ukrainien et la manière dont il est manié par les médias est clair. Le film ayant été tourné juste avant l’invasion russe de février 2022, la menace de la guerre n'est pas qu'un élément d'ambiance pour le film, mais une mise en contexte qui opère à un méta-niveau. Ceci étant dit, tout comme dans Volcano, il équilibre son récit en recourant à des éléments mythiques, presque surnaturels, et à l’obscurité. The Editorial Office est un bête étrange qui évolue entre le film curieux, la satire ciblée et des séquences fantastiques singulières.

Yura est-il naïf ? Est-il une cause perdue qui essaie de s’accrocher à une vérité que personne ne veut ? Est-il à l'inverse le dernier citoyen intègre, la force unifiante dont cette région, où l'identité doit se former sous un drapeau ukrainien à feu et à sang, a si cruellement besoin ? Mais peut-être que même dans les temps de paix, comme le film le suggère subrepticement, il y a toujours une carte à jouer, quelque chose à gagner, pour les gens sans scrupules.

The Editorial Office a été produit par la société ukrainienne Moon Man en coproduction avec South Films (Ukraine), Elemag Pictures (Allemagne), Silverart (Slovaquie) et MasterFilm (République tchèque).

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'anglais)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy