Critique : Tarde para morir joven
par Giorgia Del Don
- LOCARNO 2018: Dominga Sotomayor présente en avant-première mondiale, en compétition à Locarno, son deuxième long-métrage
Tarde para morir joven [+lire aussi :
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fiche film], sélectionné en compétition internationale au Festival de Locarno, est le deuxième long-métragede la réalisatrice chienne Dominga Sotomayor, formée à l'Université catholique du Chili et à l’ESCAC de Barcelone. Son premier film, De jueves a domingo, réalisé en 2012, avait été développé dans le cadre de la résidence de la Cinéfondation de Cannes, et il a remporté le prestigieux Tigre du Festival de Rotterdam.
Fidèle à ses travaux précédents, Sotomayor nous offre encore un film grandiose dans sa simplicité, un film capable d'observer les situations apparemment anodine du quotidien avec l'insistance nécessaire pour les rendre intrigantes. Ce regard, curieux mais pas envahissant, explore les joies et les tourments de l'adolescence pour en extraire l'essence, la sensation d'incertitude et d'excitation qui accompagne cette période toujours insaisissable de la vie.
Le film raconte l'histoire (ou pour être précis un moment de l'histoire : l'été 1990) d'un groupe de personnes qui, tout de suite après la fin de la dictature au Chili, ont décidé de former un petite communauté autosuffisante, au pied des Andes. Loin des excès de la ville, sans être pour autant devenir des ascètes intransigeants, le petit groupe que dépeint la réalisatrice essaie de mettre en œuvre son utopie, entre obstination, joie et doutes. Si c'est la collectivité qui est la véritable héroïne du film, celui-ci se concentre plus particulièrement sur le quotidien de trois personnages : Sofia et Lucas, 16 ans, et la petite Clara.
Si on peut qualifier Tarde para morir joven de récit d'apprentissage, les personnes impliquées dans ces moments de transition ne sont pas seulement Sofia et Lucas, mais la société chilienne dans son ensemble, alors qu'elle est confrontée à une liberté enfin palpable. Sans jamais entrer dans les détails de cette époque historique, qui reste malgré tout présente tout au long du film, la réalisatrice fait évoluer en parallèle le quotidien des adolescents et des adultes, mettant en évidence la sagesse des premiers et la folie enivrante des seconds, et nimbant le tout d'une étrange mélancolie – une sensation qui naît du besoin de laisser le passé derrière soi, sans vraiment savoir ce que vous réserve l'avenir, de la nécessité de croire en un idéal bien qu'on soit encore parfois attiré par la commodité de la vie en ville, du désir d'aimer sans savoir comment faire.
Le film se nourrit de ce moment de suspens qu'est adolescence, de cette parenthèse, de l'incertitude qui en émane, pour s'inviter au beau milieu des sentiments de ses personnages, incapables de cacher des émotions sur lesquelles ils ne savent pas encore mettre des mots. Délicat, courageux, le film évite le sensationnalisme pour avancer au même rythme que ses sujets : léger et incertain, suspendu entre passé et présent, entre masculin et féminin, entre intérieur et extérieur.
Comment grandir dans une période de changements si profonds ? Comment faire en sorte que la vulnérabilité d'un monde apparemment idyllique ne se transforme pas en absurdité ? Seul l'avenir le dira.
Tarde para morir joven a été produit par Cinestaciòn (Chili) et RT Features (Brésil) en coproduction avec Ruda Cine (Argentine) et Circe Films (Pays-Bas).
(Traduit de l'italien)