Critique : En las estrellas
par Alfonso Rivera
- Avec son nouveau film, Zoe Berriatúa poursuit avec audace sur sa lancée. Cette fable étonnante et insolite transpire de son amour inconditionnel et passionné pour le cinéma
Il y a trois ans, Zoe Berriatúa, jusqu’alors connu en tant qu’acteur, réalisateur de courts-métrages et dessinateur de bandes-dessinées, marquait les esprits avec un premier long-métrage poignant, Los héroes del mal [+lire aussi :
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fiche film], dans lequel il brossait un portrait navrant de la jeunesse dans une atmosphère de violence contenue. Son deuxième film, En las estrellas [+lire aussi :
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fiche film], tendre et tragiquement romanesque, va faire naître chez la plupart des spectateurs des sentiments aux antipodes de ceux de son premier film : stupéfaction, surprise et incompréhension… Ceux qui verront le film sans a priori, sans retenue et sans préjugés ne pourront qu'être fascinés, éblouis et admiratifs.
En las estrellas, interprété par Luis Callejo, Macarena Gómez et le jeune Jorge Andreu aux côtés de Kiti Mánver, José Luis Garcia Pérez, Ingrid García Jonsson et Magüi Mira, navigue entre réalité et imagination pour relater le parcours initiatique d’un père et de son fils. À certains moments, les rôles s’échangent, l’un devient l’autre. Víctor, idéaliste barbu au look négligé, est veuf. Il passe son temps à faire des films et à les visionner, un peu trop d’ailleurs, car il vit sa vie à travers l’objectif de sa caméra et les films qu'il regarde – "Le cinéma est la chose la plus importante au monde !", reconnaît-il lui-même. Il va s’efforcer d’être un bon père et compte sur le soutien indéfectible de son fils de neuf ans, Ingmar (comme le maestro suédois) pour y parvenir. Il n'a avant tout de cesse que de lui transmettre son amour inconditionnel pour le cinéma – qui est peut-être, après tout, la meilleure façon d’affronter la triste et dure réalité de la vie.
Ce réalisateur raté, qui voue pourtant au Septième Art un amour sans faille, a imaginé un univers chimérique et sans contraintes, et c’est afin de permettre aux spectateurs de s’y plonger que Berriatúa construit ce monde imaginaire que le père décrit à son fils, pour le plus grand plaisir du public. En las estrellas naît de la conjugaison de l’animation image par image et de l‘animation numérique, avec en creux une histoire de science-fiction où fantastique et imagination n’ont aucune limite.
De Chaplin, Fritz Lang et D.W. Griffith à Hitchcock, Fellini et Coppola en passant par le Tchèque Karel Zeman, ce film regorge de références empruntées à la fois au cinéma classique et au cinéma contemporain. Vibrant hommage au film de George MélièsVoyage dans la Lune, ce film n’appartient à aucun genre et ne s’adresse à aucun public spécifique. C’est une simple déclaration d’amour au cinéma faite par un réalisateur fils de réalisateur (Luciano Berriatúa, lui-même cinéaste singulier) qui ose, soutenu par un trio de producteurs courageux (on féliciteAlex de la Iglesia, Carolina Bang et Kiko Martínez), porter à l’écran son univers caractéristique sans céder aux exigences du box-office, de ce qui est en vogue ou des conventions. Tout cela donne à la fois le film espagnol le plus étrange de l’année et l’un des plus poétiques, des plus loufoques, des plus créatifs, des plus originaux et des plus envoûtants … envoûtants au moins pour ceux qui, comme les Berriatúa, adorent le cinéma.
Le film, également scénarisé par Berriatúa, a été produit par Pokeepsie Films SL, Nadie es Perfecto PCSL, La Bestia Produce SLU et Las Estrellas la Película AIE, en collaboration avec RTVE, Movistar Plus+ et Vodafone. Il a également reçu le soutien de l’ICAA. Le film est distribué en Espagne par Vercine, et Film Factory Entertainment en assure les ventes internationales.
(Traduit par Karine Breysse)