email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

GÖTEBORG 2019

Critique : Privacy of Wounds

par 

- Dalia Kury met trois Syriens en cellule pendant trois jours, dans l'espoir qu'ils révèleront des choses sur leur temps comme prisonniers politiques sous le régime Assad

Critique : Privacy of Wounds

Privacy of Wounds [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
, en compétition dans la section Documentaires nordiques du 42e Festival de Göteborg, est le nouveau film de Dalia Kury, élue meilleure réalisatrice en 2015 pour Possessed by Djin. Privacy of wounds est un documentaire quasi-expérimental, dans lequel trois hommes, Hasan, Mazen et Khaldoon, prisonniers politiques sous le régime Assad en Syrie, se retrouvent pendant trois jours dans une même cellule, simulée, en fait reconstruite au cœur d’Oslo. Kury, qui incarne un quatrième personnage déterminant dans le film, observe ces “prisonniers” depuis une salle voisine, communique avec eux à l’aide d’un système audio et leur apporte leurs repas. 

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Ce documentaire ne prétend pas être une reconstitution à la manière de Ghost Hunting [+lire aussi :
critique
bande-annonce
fiche film
]
de Raed Andoni, sacré meilleur film documentaire au Festival de Berlin en 2017, ou d'U - July 22 [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Erik Poppe
fiche film
]
d'Erik Poppe. Dans le film de Raed Andoni, des Palestiniens rejouaient les tortures et humiliations que leur avaient infligées l'occupant israélien dans l’infâme centre de détention d'Al Moscobiya, à Jérusalem ouest. Quant à Poppe, dans son film tourné en un seul plan-séquence, il mettait en scène les victimes. Kury, de son côté, cherche avant tout à créer une situation dans laquelle les anciens prisonniers politiques peuvent se parler librement. Elle estime que la situation syrienne telle qu'elle est rapportée par les médias, en particulier par les journaux occidentaux, diffère des expériences que ces hommes parviennent à décrire au sein de leur cellule, et cherche à porter cette différence à l’écran, ainsi que la qualité des propos qu’ils échangent en privé. Elle essaie aussi de comprendre ce qui a permis à ces hommes non seulement de survivre à ces horribles traumatismes, mais aussi de réussir à se reconstruire dans leurs pays d’accueil, en Europe. 

Elle n’y parvient hélas pas complètement. Même si le ton de la conversation, et l’humour et la complicité naissante entre ces hommes donnent indéniablement un angle différent au récit, et qu'en entendre la description de leurs bouches nous rendent les atrocités bien plus bouleversantes que quand elles sont rapportées par les médias, ces anciens prisonniers semblent tellement conscients de l’artifice de la situation et de la présence des caméras qu’il est difficile de déterminer s’ils sont vraiment eux-mêmes ou s’ils jouent juste un rôle. Le commentaire pourrait paraitre cynique si la position de Kury dans le film n’était pas également dérangeante. La réalisatrice est en effet omniprésente : elle observe ces hommes sur des écrans depuis une pièce voisine, leur apporte leurs repas et converse avec eux via un système audio, leur ordonnant presque même, à un moment donné, de patienter un peu avant de s’exprimer sur les tortures. Les trois hommes sont constamment conscients d’être observés. On perd aussi un peu la notion du temps, car la majeure partie du film repose sur une conversation qui se déroule dans une seule et unique salle entre trois hommes seulement, sur des faits que nous ne pouvons pas voir. En revanche, la décision de Kury de réduire le produit des trois jours de tournage qu'a nécessité le film à une durée de 70 minutes semble judicieuse.

En somme, ces trois hommes très différents les uns des autres, relatant chacun leur expérience propre, mais tous trois déterminés et unis par la volonté de ne pas laisser l’incarcération et la torture redéfinir leur personnalité, constituent l’élément le plus puissant et le plus marquant du documentaire.

Privacy of Wounds a été produit par Jonathan Borge Lie pour la société norvégienne UpNorth Film (qui s'occupe également des ventes internationales du film), en coproduction avec Cinéphage (France).

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'anglais par Delphine Tomlins)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy