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BERLINALE 2019 Compétition

Critique : A Tale of Three Sisters

par 

- BERLIN 2019 : Cette fable imparfaite par Emin Alper contient de brefs moments prodigieux, mais elle n'a pas non plus peur de se salir les mains

Critique : A Tale of Three Sisters
Cemre Ebüzziya dans A Tale of Three Sisters

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, Prix spécial du jury à Venise, le réalisateur turc Emin Alper revient avec quelque chose de totalement différent, en compétition officielle au 69e Festival de Berlin : A Tale of Three Sisters [+lire aussi :
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, un conte de fée curieusement théâtral et sombre, pour adultes, dans le style conte-qu'on-raconte-au-coin-du-feu-par-une-nuit-froide (ce que font justement les personnages à un moment donné), à tel point qu'on s'attend à entendre les pages tournées et une douce voix-off. Cependant, Alper aime se cacher dans le noir, et pour chaque moment merveilleux, un autre arrive qui est plein de regrets et de douleur quand trois soeurs, Reyhan, Nurhan et Havva (Cemre Ebüzziya, Ece Yüksel et Helin Kandemir), se trouvent dans leur village natal, au milieu de nulle part. 

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Elles attendent toutes à peu près la même chose, mais à la place du Prince Charmant, tout ce qu'elles obtiennent est une chance de s'enfuir vers la ville – un peu comme la Irina de Tchékov "rêve de Moscou chaque nuit". Une fois sur place, le prince se présente sous la forme banale d'un riche docteur qui cherche une jeune fille au pair pour sa progéniture. On fait sa connaissance alors qu'il reconduit déjà la deuxième soeur chez elle, après qu'elle ait osé de façon peu judicieuse de les discipliner. Ce qui veut dire que le poste tant convoité est libre à nouveau, laissant la place aux rivalités mesquines.

A Tale of Three Sisters, quoiqu'un peu longuet, parle du désir qu'on peut ressentir pour certaines choses (n'importe quoi, en fait) quand on n'a pas vraiment d'autres options que la maison du docteur ou la demeure d'une tante éloignée à Ankara, mais au lieu de se languir, les filles tentent toujours de se battre, souvent en usant de leur tempérament coléreux et de leur parler caustique – presque aucun échange n'a lieu sans qu'une sorte de dispute ne se déclenche. Coincées dans leur maison étouffante avec leur père, ou, dans le cas de Reyhan, dans un mariage ridicule avec le simplet du village qui a été orchestré pour éviter un scandale après que son escapade en ville se soit terminée par bien plus que de simples nouvelles expériences, elles aèrent leurs frustrations en même temps que leurs draps, lavés tous les deux mois et pas un jour plus tôt.

Dans cet environnement, on s'attendrait au moins à voir l'une d'elles coudre six chemises magiques pour ses frères les cygnes, au lieu de discuter du plaisir sexuel et des organes génitaux masculins, mais c'est exactement ce qui se passe – Alper est peut-être d'humeur à raconter un conte de fée, mais il s'assure d'abord que les enfants ont bien été bordés dans leur lit et dorment profondément. Son petit village semble assez réaliste, avec son machisme rampant et ses manières peu subtiles de clamer les "droits matrimoniaux". En même temps, son isolement complet en fait une sorte de terre imaginaire, débordante de gens désespérément malheureux et d'une joyeuse folle avec un penchant pour les sauts périlleux qui s'efforce de veiller sur elle. Elle ne peut pas chasser tous les mauvais esprits, c'est certain, mais elle peut rester comme un piquet à fixer l'horizon, tantôt pétrifiée ou troublée par ses propres découvertes, tantôt souriante d'émerveillement. Et nous aussi d'ailleurs. 

A Tale of Three Sisters a été écrit par Emin Alper et produit par Nadir Öperli et Muzaffer Yıldırım, de Liman Film and NuLook Production en Turquie. Le film a été coproduit par Jonas Dornbach, Janine Jackowski, Maren Ade, Stinette Bosklopper, Yorgos Tsourgiannis, Lisette Kelder et Enis Köstepen pour Komplizen Film (Allemagne), Circe Films (Pays-Bas) et Horsefly Productions (Grèce). Ses ventes internationales sont gérées par The Match Factory.

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(Traduit de l'anglais)

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