email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

ZURICH 2019

Critique : Bruno Manser – La voix de la forêt tropicale

par 

- Le film de Niklaus Hilber sur la vie de l'activiste écologiste Bruno Manser fait partie des films les plus ardemment attendus et les plus chers de l'Histoire du cinéma suisse

Critique : Bruno Manser – La voix de la forêt tropicale
Sven Schelker (à droite) dans Bruno Manser – La voix de la forêt tropicale

Fort d’un budget de six millions de francs suisses, fruit d’une gestation de près de dix ans, le deuxième long-métrage du réalisateur suisse Niklaus Hilber, Bruno Manser – La voix de la forêt tropicale [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Niklaus Hilber
fiche film
]
, a ouvert en fanfare la 15e édition du Festival de Zurich. Ce nouveau travail, qui suscitait beaucoup d’impatience, arrive quatre ans après le provocant Amateur Teens [+lire aussi :
critique
bande-annonce
fiche film
]
(prix du public à Zurich également), un film qui mettait en scène de manière directe et sans tabou le monde complexe et déstabilisant d’un groupe d’adolescents.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)
Hot docs EFP inside

Après un film comme Amateur Teens, on pouvait s’attendre à un autre long-métrage direct et cru, avec des airs de production petit budget à certains égards, mais rien n'est plus loin de la réalité. Paradise War est radicalement à l’opposé du film qui l'a précédé, tant sur le plan du contenu qu'au niveau esthétique. Les banlieues de Zurich cède la place à des images de paysages à couper le souffle et les problèmes existentiels de jeunes apparemment soucieux uniquement de leur petit univers sont écartés pour faire place à des ambitions universelles. La question qu’on peut se poser, c’est si ce changement radical de chemin a porté ses fruits.

Paradise War est le récit cinématographique de la vie de l’activiste écologique suisse Bruno Manser (1954-2000), figure complexe et devenue mythique à bien des égards qui ne laisse pas de fasciner. Sorte de "Gandhi suisse", Manser a été un des premiers Helvétiques à militer en faveur du climat et contre la destruction des forêts tropicales. En 1984, déçu par la superficialité rampente de la civilisation moderne, il décide de partir à la recherche du sens profond de l’existence. Le voyage qu’il entreprend le pousser jusqu’à la jungle de Bornéo, où il rencontre la tribu nomade des Penan. Cette rencontre change sa vie pour toujours et l’amène à devenir (du moins c’est ce qu’il semble) un des leurs. Comme les Penan sont menacés par la déforestation, Manser devient leur porte-parole et défenseur le plus aguerri, un homme prêt à tout pour sauver sa famille adoptive d’une catastrophe imminente. Sa bataille le pousse au-delà du gouffre, et se conclut par sa disparition tragique en 2000.

Paradise War, inspiré d’une histoire vraie, a été tourné en 76 jours entre la Suisse, New York, Budapest et Bornéo. Les conditions de travail ont été dures et l’équipe a dû s’aventurer dans des lieux isolés, nichés dans la jungle de Bornéo (Kalimantan). La troupe comprend des acteurs professionnels (l’acteur suisse Sven Schelker, qui interprète Manser) et des non-professionnels, en majorité des membres de la tribu des Penan. La bande originale a été composée par Gabriel Yared (oscarisé pour Le Patient anglais).

Le thème traité est résolument actuel et le matériel sur lequel il se fonde est riche est captivant. Malgré ceci, et malgré les majestueuses images de paysages dont on n'aurait même pas imaginé qu’ils pouvaient exister, le personnage de Manser est étouffé par une aura presque religieuse qui finit par le rendre, inutile de le nier, indigeste. Il aurait été intéressant de mettre en scène l’ambiguïté qui accompagne toute figure mythique : où se trouve la limite entre la lutte pour défendre une cause qui nous semble vitale et le complexe du héros (mais on pourrait aussi appeler ça exhibitionnisme) nécessaire à la rendre publique ? Manser s’est peut-être perdu en luttant pour sauver un peuple auquel il croyait appartenir ? Hélas, cette zone d’ombre n’est pas présente dans le film de Hilbert, qui vois en Manser plus un dieu qu’un homme - un homme déterminé, c’est certain, mais aussi complexe et ambigu. Paradise War est un film esthétiquement grandiose (on salue le travail sur la photographie de Matthias Reisser) qui trouvera sûrement son public, mais auquel il manque ce supplément de complexité qui l'aurait rendu unique.

Bruno Manser – La voix de la forêt tropicale a été produit par A Film Company en coproduction avec Das Kollektiv für Audiovisuelle Werke, SRF Schweizer Radio und Fernsehen, Teleclub et Superfilm Filmproduktions. Les ventes internationales du film sont assurées par TrustNordisk.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'italien)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy