email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

JIHLAVA 2019

Critique : The Circle

par 

- Ce long-métrage documentaire par l'Estonienne Margit Lillak montre combien les idéaux et utopies sont victimes des faiblesses de la nature humaine

Critique : The Circle

 "Il y avait là routine et discipline. Toutes les bonnes choses." Par ces paroles de sagesse, un des enfants de l'éco-communauté que dépeint le documentaire The Circle [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
de Margit Lillak (qui a fait sa première mondiale dans la section Between the Seas du Festival international du film documentaire de Jihlava) se montre plus prescient et conscient de lui-même que les adultes qui l'entourent. Le mode de vie que ces gens ont élu est sans doute alternatif, mais, comme nos personnages le découvrent, il est difficile de trouver une alternative à la nature humaine.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Lillak suit la communauté à partir de sa création en 2014, quand douze adultes et six enfants ont tenté de créer un endroit isolé de la société où tous suivent un style de vie conforme au développement durable. Hélas, au fil des ans, ces nobles idéaux se sont émoussés, certains membres s'étant mis à se plaindre du manque de structures de leur petite société et à mener un combat discret pour conquérir davantage de pouvoir pour eux-mêmes. Finalement, une nouvelle relation sexuelle nouée entre deux membres va amener toute notion d'harmonie à disparaître parmi les espoirs et les rêves d'un nouveau monde.

Lillak établit très clairement dès le début du film que toute cette initiative est, en gros, vouée à l'échec, ce qui transforme presque le film en une chasse au coupable, tandis qu'on attend impatiemment de voir quels événements vont déclencher la chute de la communauté. Ce sentiment d'expectative teinte d'une sombre ironie les premières scènes, celles où on fait connaissance avec les personnages et où on les voit bâtir cette communauté. Ils parlent de durabilité, d'entente et d'harmonie, mais on sait d'ores et déjà que beaucoup de ces déclarations vont se vider d'une part leur contenu à mesure que le film avance.

Les spectateurs les plus cyniques apprécieront sans doute les quelques calottes que le film envoie en direction des excès de la culture alternative – tant de clichés hippies parcourent la personnalité des personnages. Les shamans autoproclamés dansent tandis que la thérapie par le cri est proposée pour résoudre les conflits, donnant lieu à des scènes quelque peu ridicules où des gens se crient en pleine face avec tout le sérieux du monde. Mais il serait injuste de qualifier le film de Lillak d'opération de sape : on y sent malgré tout beaucoup d'empathie pour les personnages et on n'est jamais encouragé à rire de leur situation, surtout dans la deuxième moitié du film, quand colère et trahison remontent à la surface. Au contraire, c'est un sentiment de tragique inévitabilité qui domine : on peut parvenir à fuir tout l'attirail de la société capitaliste, mais on ne peut pas échapper à des faiblesses humaines profondément ancrées comme la jalousie et la colère.

Lillak a bénéficié d'un accès remarquable à cette communauté, de sorte que le film nous permet d'assister à beaucoup de moments où les personnages ne sont pas conscients de la présence de la caméra. Là encore, le peu de fois où les personnages centraux s'adressent directement à la caméra rajoutent encore une couche d'ironie, car malgré leur ardent espoir de créer un espace dans lequel ils peuvent communiquer librement les uns avec les autres, c'est la caméra qui devient le lieu où ils peuvent révéler leurs vrais sentiments.

Après sa récente première à Jihlava, The Circle devrait constituer un des piliers de l'année qui vient dans le circuit des festivals du documentaire, grâce à son récit légèrement amer mais totalement captivant et pour les observations fascinantes qu'il propose sur les écueils liés au choix de se lancer tête baissée dans la création d'une culture alternative. Les festivals mettant l'accent sur l'écologie constitueront également un cadre idéal pour le film.

Le film a été produit par la société estonienne Allfilm, qui assure aussi sa distribution.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'anglais par Chloé Matz)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy