email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

BELGRADE FEST 2020

Critique : Vienna Hallways

par 

- Le nouveau film du Serbe Mladen Djordjević est un documentaire extrêmement créatif et intéressant inspiré d'un roman semi-autobiographique écrit par un de ses personnages

Critique : Vienna Hallways

Le Serbe Mladen Djordjević, un réalisateur qui a toujours marché en dehors des clous, a bâti son œuvre extrêmement accomplie, mais méconnue sur le plan international, sur un mélange de fiction et de réalité dans des histoires sur des gens qui vivent dans les marges de la société, avec des films comme Made in Serbia (2005) et The Life and Death of a Porno Gang (2009).

Son dernier film en date, Vienna Hallways [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
, qui est également le plus mature qu'il ait réalisé, a fait sa première mondiale au festival Belgrade FEST, remportant deux prix (lire l’article). Ce titre, présenté comme un documentaire, s'inspire d’un roman semi-autobiographique écrit par le personnage principal, le chauffeur de taxi viennois d'origine serbe Darko Markov. L’Autriche a une forte population de d'immigrés de Yougoslavie qui sont venus y travailler comme gastarbeiter ("travailleurs invités") suite à un accord signé en 1966 entre les deux pays, et la célébration de son 50e anniversaire est un jalon symbolique pour le film.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Vienna Hallways suit Darko et deux autres chauffeurs de taxi, Milenko et Goran, ainsi que la diseuse de bonne aventure Vladica, qu’ils consultent tous régulièrement, comme les gens de l’Ouest iraient voir un psychanalyste. De la même manière que la patient d'un psy, ils croient vraiment ce que Vladica leur dit et appliquent scrupuleusement les rituels qu'elle leur préconise – et qui visent, avant tout, à se débarrasser de la magie noire, ce qui est particulièrement important dans le cas de Darko qui, apparemment, a eu une liaison, mais essaie à présent de rafistoler sa relation avec sa femme, Ljiljana. Par ailleurs, cet homme aux multiples talents artistiques (en amateur) prépare une véritable pièce de théâtre de gastarbeiter avec un groupe d’immigrés serbes comme lui, ce qui nuit encore plus à son mariage.

Pendant ce temps, la radio autrichienne nous informe que de nouvelles taxes drastiques vont être imposées aux chauffeurs de taxi, et comme par ailleurs, Uber et consorts sont en train d’arriver sur le marché, Darko, Milenko et Goran ne voient pas d’avenir dans leur profession actuelle. Et puis ils se languissent des lieux d'où ils viennent, de leurs villages serbes. Ils ne se sentiront jamais comme des vrais Autrichiens, sauf qu'à présent, ils sont devenus des étrangers dans leur propre communauté aussi. C’est cette identité divisée qui est le grand thème sous-jacent du film.

Goran épouse une femme russe qui, étant très croyante, s'oppose fermement à ses visites à Vladica, mais il continue d’y aller, car Vladica a "vu" qu’une de ses tantes a caché un tas de pièces d’or sous un poirier dans son jardin, là-bas en Serbie. Alors il essaie de trouver ce trésor, et une image de lui torse nu, avec une grande croix pendue à son cou et un détecteur de métal à la main, résume de manière humoristique mais très précise son état d’esprit.

Bien qu'assez détaillée, cette longue description de l’intrigue n’est que la pointe de l’iceberg qu'est ce film à plusieurs niveaux, extrêmement attrayant et très cohérent sur le plan esthétique que nous propose Djordjević. En mettant en contraste des images de Vienne, propre et débordante de culture, avec la campagne serbe, boueuse et appauvrie, le réalisateur crée une dynamique excitante qui accompagne parfaitement les loufoqueries des héros. Bien sûr, il est clair qu'au moins certaines des scènes ont été composées, et beaucoup ont été reconstituées à partir des souvenirs des personnages et traitées comme de la fiction, mais c’est exactement ce que Werner Herzog appelle la "vérité extatique". Une courte séquence où Milenko, après une visite déconcertante à son village natal, se rase la tête pour se faire une crête tandis que Taxi Driver joue en toile de fond, et revêt une veste en cuir avant de partir faire le taxi, est un bon exemple de la manière dont Djordjević arrive à cerner l'essence de ses personnages de manière joueuse, et extrêmement cinématographique.

Vienna Hallways a été coproduit par les sociétés serbes Corona Film et Cinnamon Film.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'anglais)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy