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THESSALONIQUE DOCUMENTAIRES 2020

Critique : Lady Time

par 

- Malgré sa petite taille, ce documentaire d'Elina Talvensaari est une des plus grandes découvertes de l'année

Critique : Lady Time

Lady Time [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
d'Elina Talvensaari est un film à vous briser le cœur. La force de ce titre – qui devrait arriver sur les écrans en avril dans sa Finlande natale, après avoir fait sa première mondiale à l’IDFA et recueilli plusieurs prix au Festival de Tampere –apparaît comme de nulle part, car au lieu d’aborder un sujet retentissant, le film se tient aux limites d’un petit appartement, à l'exception d'une petite promenade occasionnelle autour du pâté de maison, comme il se doit ces temps-ci.

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Et pourtant, c’est le genre de présence discrète qui n’a pas besoin d'en faire des tonnes pour vous coller à la mémoire. Tout commence quand Talvensaari se lance dans sa petite enquête, suite à son déménagement dans un nouveau logement, encore rempli d’objets qui appartenaient à sa propriétaire précédente, Sirkka-Liisa, qui est morte seule, oubliée, sans que personne ne vienne récupérer toutes ces choses. "Une vieille femme habitait notre appartement avant nous. Cet appartement était plein de ses choses. C'est tout ce qui restait de sa vie", annonce la réalisatrice factuellement. Sauf qu'au lieu de tout ranger dans des boîtes, elle se rend rapidement compte qu'elle veut en savoir plus. C’est aussi qu’elle ne peut s’empêcher de sentir la présence de la vieille dame, qui domine ce logement qu'elle comptait appeler sien.

C’est révélateur, cette manière dont un moment qui était totalement tourné vers le futur, celui de son emménagement, avec une famille en train de s’agrandir à ses côtés, se met tout d’un coup à renvoyer entièrement au passé, amenant à un constat qui invite à l'humilité, sur la facilité avec laquelle les rôles peuvent être renversés. "Mourir – on ne peut pas faire ça à un chat. / Car que va faire un chat / dans un appartement vide ?", a écrit l’écrivaine lauréate du Prix Nobel Wisława Szymborska, mais quid de tous les biens qu'on possède ? Il y a quelque chose de si vulnérable dans la vue d'objets abandonnés que personne n’est arrivé à cacher, dans le fait que toute la vie de quelqu'un est là devant vous, exposée à la vue de tous, à la vue de parfaits inconnus qui peuvent ainsi la voir, la juger, ou simplement la jeter. Cependant, dans Lady Time, il devient extrêmement difficile de se débarrasser de ces traces, des confiseries chocolatées rances, des boutons, des nattes de fillettes... (la liste est longue). Alors la réalisatrice les remet dans la lumière, sans oublier de bien les épousseter pour les faire briller avant.

On a du mal à ne pas songer aux milliers d’histoires similaires, et à la vitesse à laquelle elles se terminent d’habitude – dans un sac de plastique noir, probablement –, mais à mesure que Talvensaari se met à découvrir de nouvelles choses sur Sirkka-Liisa (pas par curiosité malsaine, mais par intérêt réel), et qu’elle veut rendre hommage à son existence en apprenant à la connaître un peu, c’est comme si la vieille dame était ramenée de nouveau à la vie, de la manière la plus douce possible. Elle n'est plus cette personne qui lance un regard vide de l'intérieur d'un vieux cadre photo : c’est comme si elle parlait, à travers ses lettres et les pages de son journal intime. Elle se souvient du moment où elle a emménagé ici, il y a longtemps, en 1952, et de tous les gens qui ont vécu à ses côtés à un moment ou un autre, dont les voix finissent par s'unir à la sienne. "Pour me souvenir d'elle, il faudrait que je la connaisse", dit Talvensaari, et ainsi elle fait cet effort, tout en voyant ses enfants grandir, entourés par des babioles qu’ils considèrent déjà comme les leurs. À la fin du film, la réalisatrice aura peut-être gagné une amie. Et pareil pour ceux qui verront ce film.

Lady Time a été produit par Emilia Haukka et Jussi Rantamäki pour la société finlandaise Aamu Filmcompany.

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(Traduit de l'anglais)

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