Critique : Non Western
par Marta Bałaga
- Laura Plancarte commence par les choses qui nous séparent et termine sur celles qui réunissent les gens
D'une certaine manière, on pourrait voir le charmant documentaire Non Western [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film] de Laura Plancarte comme un épisode supplémentaire à l'éternelle saga du "vont-ils ou ne vont-ils pas ?", avec pour protagonistes un homme avec des origines cheyennes et sa fiancée caucasienne pendant les préparatifs pour la cérémonie de mariage traditionnelle qu'ils ont voulue, et qui sera le premier pas notamment vers une répartition très conservatrice de leurs rôles respectifs selon leur sexe. Mais ce qui est ici très intéressant, c'est que Non Western, présenté dans le cadre de l'édition en ligne de Visions du Réel, en compétition internationale longs-métrages, est aussi un film non-partisan et non-conformiste dans la description qu'il livre de ses personnages tiraillés entre plusieurs choses, ainsi que de leurs motivations – beaucoup plus complexes qu'elles ne pourraient en avoir l'air de prime abord.
C'est impressionnant, surtout parce qu'il serait facile de rejeter en bloc, en grinçant des dents, tout ce qu'attend Thaddeus de Nanci une fois qu'ils seront mariés, ce qu'il résume en une phrase assez dure : "Quand tu es à la maison, tu es une mère, tu es une épouse". Mais dans le cas présenté par ce film, l'histoire n'est pas aussi simple que cela, notamment parce que les deux futurs mariés ont toujours mal vécu leur propre identité, ayant tous deux été adoptés par des familles d'ethnicités différentes aux leurs quand ils étaient déjà adolescents, Thaddeus par une famille blanche et chrétienne et Nanci par la tribu Lakota. “J'ai l'impression d'être quelque part entre ces deux mondes", entend-on à un moment, et d'un coup, la décision de respecter des traditions assez archaïques fait l'effet d'une issue facile au problème – comme rentrer chez soi après des années à se déplacer d'un lieu à l'autre.
Les traditions des Cheyennes sont strictes, c'est certain – Thaddeus, un ancien de l'armée, avoue qu'il n'avait pas idée de l'existence de "ce moment-là dans le mois" avant de quitter la réserve, le chanceux. “Il y a certaines choses qu'on ne fait pas", répète-t-il constamment à Nanci, une femme éduquée qui ne veut pas tourner le dos à ses accomplissements ou troubler davantage ses enfants libres penseurs, qui refusent de comprendre pourquoi leur mère veut "se rabaisser de nouveau". Et pourtant, le sentiment d'appartenance semble fondamental dans cette petite communauté du Montana ; les deux futurs époux ont souvent l'air de poissons hors de l'eau quand ils sont entourés d'autres gens, si mal à l'aise qu'ils vont préférer se planter dans un fauteuil d'un air sombre tandis que tout le monde bavarde autour.
Entre toutes ces considérations, Plancarte joue, et se rapproche parfois tellement près qu'on peut voir jusqu'au mascara mal appliqué sur les cils de Nanci. Elle nous fait voir un monde qui, malgré son fort attachement aux traditions, n'est plus vraiment homogène – ici, on peut passer d'une mention de l'émission de télé-réalité L'incroyable Famille Kardashian comme "celle avec la femme avec la grosse bouche" à des souvenirs d'un crime brutal puis à une histoire de "maman lama, rouge pyjama", le tout dans une seule scène ! “Je ne veux pas perdre le sens de qui je suis, parce que j'aime qui je suis", dit Nanci en larmes, et le fait qu'à la fin du documentaire, tout le monde l'aimera sans doute aussi témoigne de l'habilité de la réalisatrice qu'elle a laissée entrer dans sa vie. À la fin, on espère vraiment que l'éternelle saga du "vont-ils ou ne vont-ils pas ?" trouvera une conclusion satisfaisante.
Non Western est une production britannique de Laura Plancarte pour LP Films, qui en assure aussi les ventes internationales, et d'Iván Trujillo pour TV Unam.
(Traduit de l'anglais)
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