Critique : Passion
par Marta Bałaga
- Maja Borg propose un récit solennel et assez étonnamment dépourvu de passion sur un parcours d’auto-découverte à travers les rituels BDSM queer et la religion chrétienne
Pas la peine d'être émoustillés : certes, n'importe quel résumé de Passion [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film] de Maja Borg (en lice dans la section Dox:Award de CPH: DOX) aura tendance à suggérer qu'il s'agit d'un récit un peu excitant avec une petite touche taboue, mais ce n'est pas le cas. La quête d'épanouissement sexuel et émotionnel de l'auteure a beau donner lieu à quelques gros plans sur des cordes et sur les marques qu'elles impriment sur la peau, rien à voir avec le récent navet grand public qui a triomphé à la 36e cérémonie des Razzie Awards. On a affaire à quelque chose de bien plus sensible, délicat même, et aussi, hélas, d'assez terne.
On peut comprendre qu'en cette époque stupéfiante où le monde semble s'enthousiasmer pour les personnages virginaux qui signent des contrats douteux avec des magnats des affaires, Borg se débarrasse d'emblée de tout ce qui pourrait donner matière à écrire dans la presse à scandale. Les gens qu’elle montre sont très conscients de leurs actes et très respectueux, et l'idée d'ensemble est vraiment de s'entraider. Peut-être aurait-il été plus intéressant de se concentrer sur cette communauté que sur son "parcours spirituel" personnel, car regarder Passion donne un peu l'impression de lire le journal intime de quelqu’un, Borg y relatant ses expériences de manière très descriptive et poétique.
Le problème est qu'on a tout simplement du mal à vraiment ressentir ce qu’elle vit, or c'est un gros souci dans le cas d'un film traitant d'une quête dont l'objectif est de ressentir quelque chose, n’importe quoi, au moins quelque chose d’autre, après une expérience douloureuse qui fait que Borg a maintenant désespérément besoin de tourner la page. Les motifs religieux vont et viennent dans le récit, et il est mentionné qu'elle n'a "plus d'autre joue à tendre", mais pour renaître pleinement, cette fois, sexualité et spiritualité vont devoir former un tout harmonieux. Enfin, peut-être que c'est le cas depuis toujours : après tout, "passion" vient du mot latin désignant la souffrance, et être humain signifie se languir de ce qu'on ne peut atteindre. "Ce qu’on arrive à obtenir, ce sont de petits fragments de ce que l’Église appelle 'la grâce'", dit quelqu’un dans le film – et oui, qu'on se le tienne pour dit : on ne trouvera ici pas mieux.
En même temps, tirer une conclusion, quelle qu'elle soit, ne semble pas être ce qui compte : Borg se contente au lieu de ça d’écouter les histoires d'une série d'individus et de faire ses propres expériences. Visuellement, l’ensemble est un peu chaotique, passant d’une photographie granuleuse en noir et blanc à des scènes soigneusement composées dépeignant différents rituels, et le film ne prend réellement de l'élan qu’une fois que les gens se mettent à s’ouvrir davantage : tous les personnages avec lesquels la réalisatrice s'entretient savent pertinemment quelle est la perception qu'ont les autres d'eux ("ces tordus, ces sadiques"), mais ils analysent leurs besoins avec beaucoup de lucidité, prêchant l'idée selon laquelle "vivre pleinement, c'est jouer", ce qui est une belle pensée. C’est aussi la meilleure conclusion qu’on pouvait espérer de ce film.
Passion a été produit par Stina Gardell pour Mantaray Film, Andrea Herrera Catalá, Almudena Monzú et la réalisatrice pour Amor & Lujo et Maja Borg Film, respectivement.
(Traduit de l'anglais)
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