Critique : Julia&I
par Marta Bałaga
- Comme chez Agnès Varda, dans le film de Nina Hobert qui a décroché le Nordic:Dox Award, l’une chante, l’autre pas
"Ceci n’est pas juste un film", affirme la réalisatrice Nina Hobert dans Julia&I, mais à ce stade, tout le monde l'a déjà noté. Ce récit autobiographique sur un lien amical de l'enfance revisité des années plus tard, qui a remporté le Prix Nordix:Dox cette année à CPH:DOX, ferait un parfait tire-larmes si on en faisait une fiction. Il y a quelque chose de tout simplement irrésistible dans l'amitié de ces deux filles qui grandissent ensemble et partagent leurs problèmes et leurs peurs, et bien que Julia [Werup, à présent chanteuse] semble au début la plus rebelle, la plus aventureuse, celle qui n’a jamais froid aux yeux, des souffrances se retrouvent à parts égales dans leurs propos à toutes deux.
Si ça sent le mélodrame, eh bien tant pis, c'est aussi ce qui fait que toute cette entreprise est assez attachante. Ces filles peuvent bien mater les garçons et roter pour rigoler mais, aussi différentes qu'elles puissent être l'une de l'autre, elles ont aussi la capacité de se donner mutuellement des ailes, pour reprendre une image présente dans le film d'amitié chialant par excellence, Beaches. Et ce qui fait d'abord l'effet d’une tentative de trouver les félures de cette amie unique qu’on a toujours admirée devient vite une histoire sur deux personnes, où la réalisatrice laisse aussi entendre sa voix, quoiqu’on ne la voie pas.
Tandis que Hobert suit son amie (et documente ses propres difficultés), le tout sur quatre ans, on songe au film réalisé par Agnès Varda en 1977, car l'une chante, et l'autre pas. Julia est une faiseuse, et elle fait vraiment beaucoup de choses, tandis que Nina préfère observer. Il y a de la nostalgie dans tout cela aussi, bien sûr : de vieilles photos de soirées alcoolisées, ce bronzage typique des années 90, disparu depuis longtemps... "Elle m’a montré un monde sans limites", confie Hobert, mais quelque chose a changé. Alors que Julia est restée fidèle au comportement qu'elle avait déjà jeune, menant "une vie décadente à Copenhague" (quel que soit le sens à donner à ces mots), la vie de Hobert est devenue très tranquille.
Il faudra néanmoins des retrouvailles pour se rendre compte qu'elles sont toutes deux en quête de quelque chose, de sens sans doute ; c’est juste qu’elles procèdent différemment. Toutes deux se débattent avec l'addiction et le deuil, et cherchent à égaler les accomplissements de leurs parents hauts-placés, qui leur sourient d'une vieille photo à côté du titre salace d'une page de une. Il y a beaucoup de confessions ici, et elles se font souvent dans les larmes, ce qui pourrait bien faire fuir certains spectateurs, et vite. Leurs conversations vont des problèmes de santé mentale au simple fait de "ne pas avoir toute sa vie devant soi en tant que femme", à tel point qu’on se demande qui si elles sont vraiment plus fortes ensemble, surtout dans la mesure où la vie les pousse dans des directions opposées. Et même si la voix off constante de Hobert se met à jurer au fil du récit, il y a dans son histoire une mélancolie qui n’est pas entièrement déplaisante. D’une certaine manière, ce film fait presque l’effet d’un adieu à ce qu’elles furent pendant si longtemps – mais où est cette chanson de Bette Midler quand on en a besoin ?!
Julia&I a été produit par Nina Hobert pour Nina Hobert Universe AB et Film I Skane.
(Traduit de l'anglais)
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