Le CNC entend faire de la France un des plus grands pays de tournage et de production numérique dans le monde
par Mehdi Balamissa
- CANNES 2021 : Le centre a révélé l'identité des 20 projets lauréats du "choc de modernisation", un dispositif visant à moderniser et créer des infrastructures de tournage et de production de pointe
Quoi de mieux pour les infrastructures de tournage françaises faisant face à un besoin impératif de mise à niveau des installations, dans un contexte de relance post-pandémie, qu'un véritable “choc de modernisation” ? C'est le sens de l'aide exceptionnelle éponyme (lire la news) lancée par le CNC en 2021 et dont les projets lauréats ont été dévoilés (news). Le dispositif de soutien doté de 10 millions d'euros s’inscrit dans le plan de relance en faveur des filières du cinéma, de l'audiovisuel et du jeu vidéo. Parmi les 120 dossiers déposés au CNC, 20 lauréats ont été sélectionnés. Huit d'entre eux concernent la création ou la modernisation de studios de tournage, les douze autres étant des projets de “production numérique" (studios d'animation, studios virtuels, effets visuels, etc.). L'objectif est clairement annoncé par Vincent Florant, directeur du numérique du CNC : il s’agit de “faire de la France un des plus grands pays de tournage et de production numérique dans le monde”. Voici donc le sujet qui a animé la table ronde organisée par le CNC au 74e Festival de Cannes le mardi 13 juillet, intitulée “Innover pour une industrie souveraine économiquement et libre créativement". À la manoeuvre, Gilles Gaillard, ancien directeur de Mikros Images et président de la commission du “choc de modernisation”, a invité les panélistes, comptant parmi les lauréats de l'aide, à présenter leurs projets respectifs.
Olivier Marchetti a créé Provence Studios après avoir constaté un important manque de modernisation des plateaux de tournage dans l'hexagone. Provence Studios est donc un projet de studios de tournage “3.0” reposant sur trois fondements : une maîtrise de l'impact écologique de la structure, une technologie à la pointe du progrès et une dimension internationale. Provence Studios compte à ce jour 14 plateaux opérationnels sur une surface de 26 000 mètres carrés. Plébiscité par des productions internationales de premier plan, le studio s’est notamment appuyé sur ses infrastructures et sa main d'oeuvre de haut vol pour “construire Chambord en cinq semaines" pour les besoins du tournage d'une série produite par Lionsgate. L'occasion pour Olivier Marchetti de dire toute son “admiration pour tous les intermittents et tous les constructeurs, qu'on ne voit pas suffisamment, et qui ont de l’or dans les mains”. Le soutien financier accordé par le “choc de modernisation” permettra à Provence Studios, déjà qualifié de “Pinewood, avec le soleil en plus” par l’équipe de Lionsgate, de répondre à une demande en très forte croissance, notamment de la part des plateformes, dont la production de séries permet des économies d’échelle via une forme d’industrialisation de la production.
Également lauréat du “choc de modernisation", Rémi Préchac, président de Volt Tournage, porte un projet “très ambitieux, au pied de Marne la Vallée”. Selon lui, “les producteurs doivent apprendre à arrêter de penser que seul l'épicentre de Paris peut accueillir les stars et les tournages”. L'investissement est colossal : 300 millions d'euros pour créer 20 plateaux sur une surface de 35 000 mètres carrés. Un studio moderne dont une première version exploitable sera prête en 2024 grâce à l'aide du “choc de modernisation”. Ce projet participe d'une mise à niveau impérative des infrastructures de tournage sur le territoire : “on a révolutionné les caméras, les écrans, mais les plateaux, eux, n'ont pas changé depuis des décennies” observe Rémi Préchac.
Un autre type de structures est aidé par le CNC par le biais de ce “choc de modernisation”, résolument tournées vers l'avenir : les studios virtuels, qui introduisent une révolution dans le processus de fabrication des effets spéciaux. Grâce au déploiement de machines à la puissance de calcul considérable, “la chaîne de production est renversée, les effets spéciaux étant désormais conçus en pré-production” explique Margaux Durand Rival de Les Androïds Associés, une société d'animation spécialisée en prévisualisation des effets. Des murs LED au rendu des effets spéciaux en temps réel, les technologies sur lesquelles s'appuient les studios virtuels demandent une main d'oeuvre hautement qualifiée, ce qui induit des besoins en formation. Margaux Durand Rival justifie ces investissements par l'accroissement de la demande en provenance des plateformes, productrice de séries, et donnant lieu à des contrats renouvelés dans le temps.
Les studios d'animation représentent le troisième type d'infrastructures aidé par le “choc de modernisation”. Également récipiendaire de cette aide, Patricia Wilde, directrice marketing de TeamTO, a d’abord justifié ces investissements par la vitalité de la filière de l'animation en France, où elle compte pour 45% des exportations du secteur audiovisuel, et où elle a généré un accroissement de l’emploi de 44% entre 2015 et 2020. L’intérêt renouvelé des plateformes pour l'animation est manifeste. Utilisée comme levier d'abonnement des parents des jeunes spectateurs, “l’animation est en train d'arriver à son âge d'or" observe Patricia de Wilde. Netflix a notamment pour objectif de produire pas moins de six films d'animation par an. TeamTO, basée à Paris et Valence, avec des effectifs respectifs de 180 et 260 personnes, voit en l’aide du “choc de modernisation", “l’oxygène qui va [lui] permettre d’absorber la pression du marché” en doublant notamment ses effectifs et en accroissant ses investissements en recherche et développement.
Face à de tels investissements à venir, Gilles Gaillard, modérateur de l'échange, a finalement invité les panélistes à décrire la place de la RSE (responsabilité sociale des entreprises) dans leurs projets ambitieux.
Olivier Marchetti indique que la dimension écologique est d'autant plus importante pour Provence Studios que “[ses] clients américains sont beaucoup plus sensibles au bilan carbone de leurs fournisseurs que les Français”, en raison de leur capacité à lever des fonds à des taux préférentiels selon le niveau d’engagement environnemental de leurs prestataires. Il ambitionne également d'équiper ses studios de multiples capteurs pour travailler à la réduction de la consommation en eau et électricité de l'infrastructure.
Pour Rémi Préchac, “un studio est déjà une réponse écologique” tant il permet d'éviter les déplacements et simplifie la logistique.
Patricia de Wilde développe également la responsabilité sociale de TeamTO, en ayant notamment lancé l’ECAS en 2018 avec Guillaume Hellouin, président du la société, la première école d'animateurs 3D gratuite et sans exigence de diplôme. Aux 90 animateurs 3D français déjà formés à ce jour pourraient bientôt s'ajouter des profils internationaux dans le cadre d'une possible réplication du modèle en collaboration avec des partenaires étrangers.
Margaux Durand Rival se félicite de cet élan et constate “une vraie volonté de rentrer dans des chemins plus vertueux”, ce qui permet notamment à ces projets d’être plus désirables auprès des investisseurs, soumis aux normes ISG (poussant à la prise en compte de critères extra financiers tels que l'impact social ou environnemental), comme le note Sébastien Raybaud, président de la société de production et d'investissement Anton.
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