email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

LOCARNO 2021 Compétition

Critique : La place d’une autre

par 

- Aurélia Georges présente en compétition à Locarno son troisième long-métrage, un film poétique d’un classicisme déstabilisant qui traite du thème de l’altérité

Critique : La place d’une autre
Lyna Khoudri et Sabine Azéma dans La place d’une autre

Après avoir présenté ses deux premiers longs-métrages (L’Homme qui marche [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
et La Fille et le fleuve [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
) à l'ACID de Cannes, Aurélia Georges débarque cette année au Festival de Locarno (en compétition internationale) pour présenter son nouveau travail, La Place d’une autre [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Aurélia Georges
fiche film
]
, un voyage mystérieux et élégant dans les méandres d’une société compartimentée, divisée en classes sociales qui n’ont aucun contact entre elles. Le film, emprunt d'un classicisme et d’une rigueur visuelle intense, engage le spectateur à se mettre dans la peau de l’héroïne, contrainte malgré elle à endosser un rôle qui n’est pas le sien, pour survivre, mais aussi et surtout pour faire l'expérience d'une liberté et d'une tendresse qui semblent réservées exclusivement aux riches.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Survivre dans le chaos oppressant de la guerre dans une société où l’origine sociale joue un rôle prépondérant n’est certainement pas chose facile. Si, en plus de cela, on ajoute le fait d’être une femme, le tableau devient encore plus sombre : comment faire pour se défendre d’une société basée sur un féroce patriarcat ? Quelles sont les armes à disposition d’un être auquel on refuse le droit de s'exprimer ? La Place d’une autre traite ces questions inconfortables en nous rappelant à quel point le passé, même lointain, est souvent le reflet grotesque d’un présent, le nôtre, qui a encore peur de se confronter à la diversité.

Si le film s’inspire du récit anglais The New Magdalen (1873), du mystérieux auteur victorien Wilkie Collins, ami et collaborateur de Charles Dickens, Aurélie Georges a décidé de transposer l'histoire en France, au début de la Première Guerre mondiale. Dans cet environnement sombre et angoissant, on suit la jeune Nélie, interprétée par Lyna Khoudri (Prix Orizzonti de la meilleure actrice à Venise pour son rôle dans Les Bienheureux [+lire aussi :
critique
bande-annonce
fiche film
]
), une femme en quête d’un salut social qui lui permette d'exister au-delà de sa condition sociale. Grâce à l’aide de la Croix-Rouge, notre héroïne, devenue une courageuse infirmière sur le front, peut enfin abandonner sa vie misérable, dans laquelle la lutte pour la survie est monnaie courante. Pendant un brutal bombardement, une femme mystérieuse perd la vie et Nélie décide de lui voler son identité, en espérant ainsi pouvoir sauver une bonne fois pour toutes son existence à elle. Hélas, le destin en a décidé autrement et l’empêche de vivre sereinement un rêve qui se transforme petit à petit en cauchemar. Un sentiment de culpabilité généralisé commence à la tenailler, et l’angoisse s'empare d'elle comme une ombre insidieuse de son quotidien.

Au moyen d’un crescendo émotionnel parfaitement contrôlé, Aurélia Georges nous permet d’assister au triomphe de l’être enfin libéré du poids d’une société qui voudrait contrôler tout et tous. La Place d’une autre, bien soutenu par une troupe exceptionnelle – une Sabine Azéma mémorable, une Maud Wyler (déjà présente à Locarno il y a trois ans dans L’Ordre des medecins [+lire aussi :
critique
bande-annonce
fiche film
]
de David Roux) mystérieuse et glaciale à souhait et l'étoile naissante Lyna Khoudri – nous amène à réfléchir au thème de l’identité comprise comme un masque, une identité fluctuante qui n’a rien à voir avec l’essence véritable et profonde de l'être. Le visage parfois infantile de Nélie semble incarner un univers intérieur qui n’a rien à voir avec la classe sociale à laquelle elle appartient, un univers fait de batailles mais aussi de rêves, un univers dans lequel elle peut enfin être elle-même.

La Place d’une autreest un film extrêmement classique, presque à l’excès, mais qui parvient malgré tout à nous faire réfléchir sur notre présent, dans lequel l’apparence compte résolument plus que l’essence intime et intérieure.

La Place d’une autre a été produit par 31 Juin films (France), en coproduction avec ARTE France Cinéma. Les ventes internationales du film sont gérées par Pyramide International.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'italien)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy