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LOCARNO 2021 Compétition

Critique : I giganti

par 

- Le réalisateur sarde Bonifacio Angius revient au Festival de Locarno pour présenter un long-métrage déboussolé, portrait comique décadent d’une masculinité qui va imploser

Critique : I giganti
Bonifacio Angius et Michele Manca dans I giganti

Sept ans après le succès de Perfidia [+lire aussi :
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, le réalisateur italien Bonifacio Angius a de nouveau été sélectionné au Festival de Locarno où il présente, en compétition internationale, son nouveau long-métrage, I giganti [+lire aussi :
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interview : Bonifacio Angius
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, un titre surréaliste et farouchement indépendant dont il a signé non seulement la mise en scène mais également le scénario, la photographie, le montage et la production. Ce qui marque au fer rouge son nouveau travail est la liberté avec laquelle il met en scène une histoire empreinte de fureur et de rage, mais aussi de tendresse et de fragilité, d'ironie et d’humour noir. I gigantiest un film intense et déstabilisant qui met en scène les conséquences du fait de vouloir (ou de devoir) appartenir à un groupe de mâles hégémoniques, de devoir renoncer à sa fragilité au nom de privilèges hors de portée.

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Une réunion de vieux copains unis par un goût commun, effréné, pour les paradis artificiels, une villa décadente perdue au milieu de la campagne et une soif insatiable de vivre le moment présent en oubliant un petit moment les blessures d'un passé qui pèsent sur leurs épaules comme un roc : voilà l’univers du film I giganti. Ce petit groupe d'amis hétérogène décide de passer ce qui sera peut-être une dernière soirée ensemble, sous le signe de l’hédonisme le plus débridé qui soit : drogues, alcool et discours pseudo-philosophiques assez sombres de type Nietzschéen. Une soirée qui rappelle à certains égards l'univers baroque de La Grande Bouffe de Marco Ferreri (un autre réalisateur qui a fait de la masculinité hégémonique sa cible de prédilection), mais aussi l’humour acéré d'Aki Kaurismäki. Une soirée, enfin, pendant laquelle on peut faire tomber les masques et montrer son visage (ou peut-être serait-il plus adapté de parler de grimace), exprimer son monde intérieur libéré des contraintes d’une société qui valorise exclusivement l’homme, le vrai, inébranlable et froid comme le marbre, I giganti peut être vu comme une ode à l'impuissance, un impuissance non pas sexuelle mais sociale qui amène les personnages à dévoiler leur fragilité et leurs blessures au moins une fois, peut-être la dernière. Une impuissance qui devient une force à la fois destructrice et cathartique, qui n'est plus vue comme un défaut à soigner par des doses massives de pilules bleues. Avec I giganti, Bonifacio Angius semble vouloir nous confronter à une masculinité en voie d'extinction, victime de ses propres, tristes privilèges.

Les cinq personnages, interprétés avec brio et réalisme par un groupe d’acteurs de haut niveau (Stefano Deffenu, Riccardo Bombagi, les frères Michele et Stefano Manca, alias Pino e gli Anticorpi, et le réalisateur lui-même), représentent, chacun à sa manière, une manière singulière d’affronter la vie : en l'ignorant après une première déception amoureuse foudroyante, en l'abordant avec rage jusqu'au fond du gouffre, en en goûtant exclusivement le côté superficiel, en y réfléchissant trop ou, au contraire, en admettant son échec. Malgré leurs différences évidentes, ce qui rapproche les cinq amis (toxicomanie mise à part), c'est l’impossibilité pour eux de trouver une issue, un raccourci qui leur permette de sortir d’un cercle vicieux fait d'égoïsme et de masculinité toxique. Enfermés dans une villa qui semble les emprisonner dans leurs propres délires hallucinatoires, nos cinq anti-héros ne sont plus capables (ou peut-être ne l'ont-ils jamais été) de traduire par des mots leurs angoisses. Ils en deviennent au contraire les victimes, des corps lentement consumés par le poids des émotions qui brûlent en eux comme un feu sacré. I giganti est un film qui, malgré des délires philosophiques parfois fanfarons, parvient courageusement à montrer la face obscure de géants transformés par la société en monstres.

I giganti a été produit par Il Monello Film (Italie). Les ventes internationales du film sont assurées par Coccinelle Film Sales.

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(Traduit de l'italien)

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