email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

VENISE 2021 Compétition

Critique : Il buco

par 

- VENISE 2021 : Michelangelo Frammartino adopte la respiration et le battement des espaces qu’il explore en suivant de jeunes spéléologues au fond d’une grotte calabraise en 1961

Critique : Il buco

Si la caverne de Platon était cinéma, faire un film sur l'exploration d'une grotte très profonde signifierait descendre dans les entrailles du cinéma lui-même, amener la lumière dans les ténèbres d'un monde inconnu, projetant ce faisant de longues ombres. Le spéléologue Andrea Gobetti écrit : ”nous pénétrions en rampant les entrailles de la terre pour ne pas sentir l'angoisse du temps qui s'écoule". C'est exactement comme passer deux heures dans une salle sombre pour regarder un film. Conscient de cela, Michelangelo Frammartino présente à la 78e Mostra de Venise, en compétition, le long-métrage Il buco [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Michelangelo Frammartino
fiche film
]
, où un groupe de jeunes spéléologues piémontais s'enfonce dans le sous-sol du mont Pollino, dans les Apennins, entre Calabre et Basilicate, au niveau du gouffre du Bifurto, dans ce dont ils vont découvrir que c'est la troisième grotte la plus profonde de la planète.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Il ne s'agit pas d'un documentaire, mais de la recréation d'un événement survenu en 1961 en Italie. Le réalisateur milanais a équipé 12 jeunes spéléologues (sélectionnés sur un an et demi dans le cadre d'un casting couvrant toute l'Italie) avec du matériel d'époque, d'il y a 60 ans, et il les a filmés renouvelant l'entreprise de leurs prédécesseurs sur les 700 mètres que fait cette étroite fracture du sol. Ce qui frappe dès la première image est une photographie à couper le souffle, qui représente une nature vierge où domine le vert, moucheté de petits points qui sont des animaux répartis dans les pâturages, et les teintes chaudes et humides de la grotte. L'auteur de cette magie est le chef-opérateur suisse chevronné Renato Berta (76 ans), qui a travaillé avec des maestros comme Godard, Resnais, Rohmer, Rivette, Malle, Téchiné, Huillet-Straub et De Oliveira.  Les grottes constituent un hors-champ absolu – comme l'a fait observer Frammartino lors d'une rencontre avec la presse à la fin du tournage du film – une zone obscure hostile à la caméra. Et pourtant, "le hors-champ, l'invisible, représentent sa 'substance' la plus profonde".

Pour souligner l'aspect sociologique du profond fossé qui sépare nord et sud en Italie, le réalisateur nous montre le boum économique des années 1960 à travers les images du bâtiment le plus haut d'Europe, le Pirellone qui venait d'être construit à Milan, que les habitants du village calabrais le plus proche de la crevasse regardent sur la télévision en noir et blanc du bar local. Une conquête humaine qui semble le miroir parfait du gouffre créé par la Nature. Les gestes lents et les appels lancés en direction des vaches par un vieux berger aux yeux bleus servent de contrepoint à l'entreprise des 12 spéléologues. Le paysan est filmé en gros plan, alors qu'on ne voit jamais les explorateurs qu'au loin, depuis un poste d'observation situé en altitude, comme vus par un regard impartial. Les dialogues sont inintelligibles (comme dans son film précédent) ; le micro de Simone Paolo Olivero les a enregistrés de manière naturaliste, et cela crée une impression de suspens absolu.

Frammartino, dont ce film est le troisième long-métrage après Il Dono [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
(présenté à Locarno) et Le quattro volte [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Michelangelo Frammartino
interview : Savina Neirotti
fiche film
]
(Label Europa Cinemas à la Quinzaine des Réalisateurs de Cannes), revient tourner dans la Calabre de ses parents. Il buco, né de la rencontre avec le territoire du Pollino et avec le spéléologue Nino Larocca, confirme que le réalisateur a adopté cette approche du Septième Art qu'on appelle le “slow cinema” ou le cinéma du réel, modelé sur la respiration et le battement de l'espace qu'il explore, à travers un récit anti-dramatique.

Il buco a été produit par Doppio Nodo Double Bind avec Rai Cinema, en coproduction avec Société Parisienne de Production (France) et Essential Filmproduktion (Allemagne). Les ventes internationales du film sont assurées par Coproduction Office. En Italie, il sera distribué par Lucky Red.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'italien)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy