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DOK LEIPZIG 2021

Critique : A Custom of the Sea

par 

- Dans ce film de Fabrizio Polpettini, un sens de l’humour désarmant et des réflexions facétieuses sur des questions historiques liées à la migration parviennent à se rattacher finement à l’actualité

Critique : A Custom of the Sea

"Tout a commencé dans la ville de Porto Maurizio" : voilà la manière dont Fabrizio Polpettini a choisi d'ouvrir A Custom of the Sea [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
. Ce qui suit est un road trip analogique charmant autour de la Méditerranée, un patchwork d’images d’archives et de rencontres mises en scène, liées ensemble par les sujets sérieux de l’esclavage, de la migration et du colonialisme. Ajoutez à l'ensemble un sens de l’humour désarmant. Les réflexions joueuses que propose le film sur ces thèmes historiques parviennent avec fluidité à se rattacher à des sujets brûlants d’aujourd’hui. A Custom of the Sea a fait sa première mondiale à la 64e édition de DOK Leipzig, en compétition internationale.

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La motivation de Polpettini en s’embarquant dans ce parcours sur la route est d'ordre historique et remonte au temps où les pirates nord-africains, dits corsaires, régnaient sur la mer. Avec ses amis Roman et Amir qui représentent, justement, les deux côtés de la Méditerranée, il veut enquêter sur la capture des Européens comme esclaves. Son point de départ, ce sont des récits de son enfance, et pendant leur périple, les trois amis tombent sur toutes sortes de récits qui dépeignent la Méditerranée comme une barrière entre les cultures. Dans une scène, Amir et Roman rendent la chose très explicite : ils sont assis quelque part sur la côte ligure et parlent d'une visite de Roman à Alger pour assister au mariage d'Amir la semaine suivante, mais par un effet de spirale, elle devient un débat assez sportif sur l'immigration légale et illégale. La suggestion que Roman pourrait voyager illégalement (c’est sa seule option, car il n’a pas le temps d’obtenir un visa) semble un peu ridicule dans ce contexte, mais ça n'en reste pas moins une chose que les gens font régulièrement. Ceci nous confronte aux préjugés. Roman, en tant qu'Européen, n’aurait même pas l’idée d'oser faire cela, mais pourquoi l'harga, comme l’appelle Amir (qui se réfère à la pratique consistant à brûler ses papiers officiels pour passer une frontière clandestinement), serait-elle toujours une voix à sens unique ? Juste après cette conversation, les deux hommes se tiennent debout face à la mer, Roman habillé en esclave et Amir en corsaire.

Ces histoires de raids par les corsaires trouvent des échos dans la culture italienne tout au long de la côte. Il y a des proverbes dans cette langue qui y font allusion, par exemple pour dire que si on n'est pas sage, les corsaires vont venir. Comme on peut l'imaginer, ils font aussi écho à la crise des réfugiés actuelle et aux questions qu'elle soulève. Ce film léger sert d’instrument pour diffuser ce propos, mais pas dans une logique d'antagonisme. Il enquête sur la manière dont les histoires sont construites et, surtout, la manière dont elles sont utilisées pour construire des ennemis.

Prenezb l'invasion par les Français de l’Algérie par exemple : comme le suggère le film, ils ont utilisé les esclaves européens comme prétexte pour envahir le pays, bien que les textes écrits qui documentent cela ne parlent que de 120 esclaves libérés, parmi lesquels un seul était français. Le réalisateur établit ensuite un parallèle avec l’extrémisme venu du monde musulman après le 11 septembre - et nous savons tous ce qui s’est passé-là en terme de construction d'un récit de toutes pièces.

Dans l’ensemble, la combinaison des images d’archives et des scènes tournées en analogique entre Amir et Roman forme un tout plaisant et cinématographique. Différentes sources, comme des vieux films avec Yul Brynner, une série libyenne sur les Américains pendant la guerre de Tripoli et un vieux reportage télévisé italien qui détaille plusieurs rituels pour éloigner les pirates, composent une intrigue qui reste lâche, mais n'en est pas moins riche et cohérente. Elle parvient à bien indiquer les problèmes du colonialisme, des différences religieuses et de l'euro-centrisme, et le fait qu'ils sont encore très d'actualité aujourd’hui.

A Custom of the Sea est une production française de Fabrizio Polpettini en coproduction avec Pierre-André Belin.

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(Traduit de l'anglais)

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